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Déconstruction de l’analyse du « Hill’s Group » sur l’avenir de l’industrie pétrolière
« The Hill’s Group » plaide pour la disparition rapide de l’industrie pétrolière mondiale sur la base d’un calcul sur l’entropie du processus d’extraction du pétrole. S’il est vrai que l’industrie pétrolière est en difficulté, les calculs du groupe sont, au mieux, sans pertinence et probablement tout simplement faux. L’entropie est un concept important, mais il doit être correctement compris pour être utile. Il n’est pas bon de l’utiliser comme excuse pour se plonger dans un catastrophisme effréné.
Le catastrophisme est populaire. Je peux le voir avec mon blog. Chaque fois que je publie quelque chose qui dit que nous allons tous mourir bientôt, j’obtiens beaucoup plus de succès que quand je publie des articles en disant que nous pouvons faire quelque chose pour éviter le désastre qui arrive. La dernière confirmation de cette tendance vient de trois articles de Louis Arnoux que j’ai publiés l’été dernier. Tous les trois figurent dans la liste des dix articles les plus lus jamais publiés sur mon blog.
Arnoux soutient que les problèmes que nous avons aujourd’hui sont causés par la diminution du rendement énergétique (ou énergie nette, ou EROI) des combustibles fossiles. C’est une approche correcte, mais Arnoux fonde son analyse sur un rapport publié par une organisation plutôt obscure appelée « The Hill’s Group ». Ils utilisent des calculs basés sur l’évaluation de l’entropie du processus d’extraction afin de prédire un avenir catastrophique pour la production pétrolière mondiale. Et ils vendent leur rapport pour 28 $ (expédition incluse).
Ni Arnoux ni le « Hill’s Group » ne sont les premiers à faire valoir que la diminution de l’EROEI est la source de la plupart de nos problèmes. Mais ce rapport a gagné une popularité considérable et il a été favorablement commenté sur beaucoup de blogs et de sites Web. C’est compréhensible : le rapport a une aura d’exactitude scientifique qui vient de l’utilisation des principes de base de la thermodynamique et du concept d’entropie, correctement compris comme la force derrière la question de l’épuisement. Il y a juste un petit problème : le rapport est largement vicié.
Quand j’ai publié les articles d’Arnoux sur ce blog, je pensais qu’ils étaient qualitativement corrects, et je pense toujours qu’ils le sont. Mais je n’ai pas eu le temps de regarder le rapport du « Hill’s Group » en détail. Maintenant, certaines personnes intelligentes l’ont fait et leurs résultats montrent de nombreuses failles fondamentales dans le traitement. Vous pouvez lire le résultat en anglais par Seppo Korpela et en espagnol par Carlos De Castro et Antonio Turiel.
L’entropie est un sujet complexe et s’enfoncer dans le rapport du « Hill’s Group » et dans sa critique exige un certain effort. Je ne vais pas entrer dans les détails, ici. Permettez-moi de dire simplement que cela n’a absolument aucun sens de partir de la définition de l’entropie standard pour calculer l’énergie nette du pétrole brut. Les approximations du rapport sont si grandes qu’elles rendent l’ensemble des résultats sans intérêt (sans parler des erreurs qu’il contient). L’utilisation de la définition de l’entropie pour analyser la production de pétrole équivaut à utiliser la mécanique quantique pour concevoir un plan. Il est vrai que tous les électrons d’un avion doivent obéir à l’équation de Schroedinger, mais ce n’est pas ainsi que les ingénieurs conçoivent des avions.
Bien sûr, le problème de la diminution de l’EROEI existe et la manière de l’étudier est basée sur l’analyse du cycle de vie (ACV) du processus. Cette méthode tient compte indirectement de l’entropie, en termes de pertes de chaleur, sans tenter la tâche impossible de la calculer à partir des premiers principes. Grâce à cette méthode, nous pouvons voir que la production pétrolière fournit toujours un rendement énergétique raisonnable sur l’investissement (EROEI), comme vous pouvez le lire, par exemple, dans un article récent de Brandt et al.
Mais si la production de pétrole fournit toujours un rendement énergétique positif, pourquoi l’industrie pétrolière traverse-t-elle de telles difficultés ? (Voir ce post sur le rapport SRSrocco, par exemple). Eh bien, permettez-moi de citer un post de Nate Hagens :
La société fonctionne sur l’énergie, mais n’oubliez pas qu’elle fonctionne aussi sur l’argent. Dans un tel scénario, la fin du pétrole bon marché (à extraire) aura des résultats paradoxaux sur l’ensemble. Au lieu d’avoir une hausse des prix, l’économie mondiale va d’abord perdre sa capacité à continuer à rembourser le principal et les intérêts sur les grandes quantités d’argent / dette nouvellement créées, et nous serons probablement confrontés d’abord à un phénomène de déflation.
Dans ce scénario, les conséquences ne seront pas des prix de plus en plus élevés pour les consommateurs comme la plupart des producteurs pétroliers s’y attendent, mais plutôt l’insolvabilité des producteurs extrayant du pétrole à coût élevé et moyen, qui devront cesser leurs activités en raison du prix de marché nettement inférieur aux coûts d’extraction. Le Peak Oil viendra des tranches de production à coût élevé qui vont progressivement disparaître.
Je ne m’attends pas à ce que la relance par le gouvernement du mécanisme de crédit s’arrête, mais si c’est le cas, la production pétrolière et le prix du pétrole seront un peu moins élevés. À long terme, on parle d’énergie. Dans un avenir prévisible, on parle plutôt de crédit.En fin de compte, il est tout simplement stupide de penser que le système s’effondrera automatiquement quand et parce que l’énergie nette du processus de production de pétrole deviendra négatif (ou avec un EROEI inférieur à un). Non, il va s’effondrer beaucoup plus tôt en raison de facteurs corrélés au système de contrôle que nous appelons « l’économie ». C’est un comportement typique des systèmes adaptatifs complexes qui ne sont jamais compréhensibles sur la base de considérations simples comme le retour d’énergie. Les systèmes complexes génèrent toujours un retour de manivelle.
L’examen final de cet article consisterait simplement à éviter de perdre du temps avec ce rapport, sans parler de payer 28 $. Mais il reste un problème : un rapport qui prétend être basé sur la thermodynamique et utilise des mots retentissants tels que « entropie » joue avec la tendance humaine à croire ce que l’on a envie de croire. Et le catastrophisme est populaire pour diverses raisons, certaines parfaitement bonnes. Premièrement, nous risquons de faire face à divers types de catastrophes dans un avenir proche du fait du changement climatique et de l’épuisement des minéraux. Malheureusement, des cris d’orfraie comme ceux de Hill & Arnoux finissent par être désamorcés (correctement) et mettent en porte-à-faux toutes les personnes qui essaient sérieusement d’alerter le public des risques à venir.
La réalité est une, mais le cornucopianisme et le catastrophisme sont des réactions humaines. Nous pouvons trouver un chemin intermédiaire entre ces extrêmes et continuer à avancer.
Ugo Bardi
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