Article original de Gregory Copley, publié le 17 Mars 2017 sur le site oilprice.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Le temps le dira, mais les cris de « victoire à Washington »
par le vice-prince héritier et ministre de la Défense, Mohammed bin
Salman, semblaient creux et peut-être même apocryphes. Il avait besoin
d’un signe de succès quand il est sorti de sa réunion à la Maison
Blanche avec le président américain Donald Trump, le 14 mars 2017 :
l’Arabie saoudite est à court d’options et pousse ses alliés
traditionnels ─ dont certains n’en sont pas satisfaits ─ à manifester de
la solidarité, en particulier au sujet des guerres au Yémen, en Irak,
en Syrie et en Libye. À une époque où les fortunes économiques du
Royaume sont délicates et s’aggravent, cela présage de pressions
politiques internes.
Le prince Mohammed semblait vouloir
pousser le Président Trump dans le camp saoudien ─ et parler pour tous
les musulmans et comment l’administration Trump serait bonne pour eux
─ mais il était, en fait, soucieux d’exorciser l’amitié apparemment
florissante du président avec le président égyptien, Abdul Fattah
al-Sisi, qui est maintenant la Némésis
du prince Mohammed. L’animosité saoudo-égyptienne s’est donc étalée
jusqu’à Washington, car il est devenu évident que la nouvelle
administration américaine ne poursuivra pas automatiquement les
politiques du Moyen-Orient de l’ancienne administration américaine.
Les enjeux sont d’une importance mondiale pour les États-Unis, mais
si Washington devait choisir, elle choisirait le poids géopolitique
(Méditerranée-Suez-Mer Rouge) et culturel de l’Égypte.
La récente rivalité de l’Arabie saoudite avec l’Égypte ─ ou plutôt,
les tensions entre le vice-prince héritier Saoudien Mohamed et le
président égyptien al-Sisi ─ a signifié que le gouvernement de chaque
État a essayé d’influencer les États-Unis pour l’avoir à son côté, mais
Washington n’a pas donné de signe fort de sa préférence. Il ne souhaite
pas complètement s’aliéner l’Arabie saoudite à ce stade, ou son voisin
le Qatar, état wahhabite, mais la position stratégique de l’Égypte ne
peut être ignorée.
Ainsi, le Prince saoudien Mohammed bin Salman a rencontré le
Président Donald Trump le 14 mars 2017, et a affirmé que la réunion
était « un tournant historique » dans les relations
américano-saoudiennes. Mais les sources de la Maison Blanche ont déclaré
à la Défense et aux Affaires étrangères qu’il n’y avait rien de tel et
que ─ le langage corporel de Trump pendant les réunions le montrait
─ Trump ne ressentait aucune alchimie avec le jeune officiel saoudien.
Malgré cela, le Prince a autorisé une déclaration d’après réunion qui a
déclaré que Donald Trump était « un véritable ami des musulmans qui servira le monde musulman d’une manière inimaginable », et que la réunion était « un énorme succès » et un « tournant historique » du point de vue des relations bilatérales entre les deux pays.
Les déclarations officielles de la Maison-Blanche étaient froides.
L’équipe de Trump n’a pas été impressionnée par le vice-prince héritier.
De l’autre côté, la première action du Président Trump le 23 janvier
2017 (son premier jour au bureau), a été d’appeler le président égyptien
al-Sisi, et les deux parties ont commenté positivement cet échange. Le
Président al-Sisi avait rendu visite à M. Trump avant que celui-ci ne
prenne ses fonctions et il le rencontrera de nouveau lors d’une visite
officielle à Washington du 1er au 4 avril 2017. Il est
significatif que les dirigeants saoudiens et égyptiens aient tourné le
dos à l’ancienne administration américaine du Président Barack Obama,
mais pour des raisons différentes. Maintenant, l’administration Trump
essaie de déterminer quelle serait probablement la stratégie la plus
expéditive des États-Unis pour la région, et être contraint par l’Arabie
saoudite (et la Turquie et les EAU) à un conflit plus large au Yémen et
en Syrie / Irak n’est pas considéré comme bénéfique.
Mais le prince Mohammed a déjà engagé l’Arabie saoudite sur un chemin
d’où il est difficile de faire marche arrière gracieusement. En
conséquence, Riyad a poussé ses amis d’autrefois plus profondément dans
un engagement à combattre dans ses guerres avec elle, ou pour elle. Le
Prince Mohmamed continue d’exiger que le Pakistan entre en conflit au
Yémen, bien que Riyad soutienne cette guerre comme une guerre contre la
secte chiite de l’islam (et donc contre l’Iran), alors que le Pakistan a
une part significative (20% ou plus) de chiites. Entrer en guerre au
Yémen, pour le Pakistan, serait peut-être se précipiter dans une guerre
civile chez lui. Pourtant, le Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif,
qui a bénéficié de sa longue amitié avec l’Arabie saoudite, a
maintenant du mal à rejeter les revendications de Riyad.
Ainsi, non seulement à Washington, mais dans d’autres couloirs de
pouvoir, les demandes d’aide de l’Arabie saoudite ne sont pas bien
accueillies et sont perçues comme stridentes et désespérées. De plus en
plus, Washington en particulier voit l’Arabie saoudite, la Turquie et le
Qatar comme opposés aux USA dans les guerres contre Daesh (État
islamique) aussi bien au Yémen qu’en Libye. Le Yémen est déjà largement
revenu à au moins ses anciennes identités à deux États.
Le Pakistan doit également tenir compte de ses relations de longue
date avec l’Iran, que l’Arabie saoudite s’est engagée à détruire.
En effet, il y a une compréhension graduelle, même à Washington, que,
géopolitiquement, l’Iran est plus important que l’Arabie saoudite, en
dépit de la réalité que les clercs iraniens ─ qui sont arrivés au
pouvoir en 1979 à cause des mesures actives et délibérées de l’époque,
du fait du président Jimmy Carter ─ se sont révélés être l’obstacle
majeur au rétablissement d’une position stratégique iranienne stable, et
la question des armes nucléaires iraniennes est politiquement (mais
peut-être pas militairement) vexante pour les États-Unis.
Washington réexamine maintenant à quel point les États-Unis de
Richard Nixon (1969-1974) avaient réussi à trouver un équilibre entre
l’Iran et l’Arabie saoudite. Mais ensuite, les USA ont pu traiter avec
le Shah d’Iran et le ministre des Affaires étrangères Ardeshir Zahedi
d’une part, et le roi Faisal bin Abdel-Aziz al Saoud (1964-1975) de
l’autre. Dans tout cela, sans parler de la Russie et de la République
populaire de Chine, la mer Rouge, le golfe Persique et le Levant sont
devenus un grand terrain de jeu, tout comme la Turquie.
Gregory Copley
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