jeudi 13 septembre 2018

Formidable Grande-Bretagne !

Article original de Dmitry Orlov, publié le 6 septembre 2018 sur le site Club Orlov
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



Les Britanniques viennent de fournir à mon article précédent, « Ceux qui disent la vérité et ceux qui la faussent », une petite étude de cas très soignée : le lendemain même où je l’ai publié, le gouvernement de Theresa May a endossé son rôle en tant que l’un des premiers Faussaires du monde et a publié l’épisode suivant des fausses nouvelles sur l’empoisonnement des Skripal. Nous pouvons l’utiliser comme matériel de formation pour apprendre à repérer et à rejeter les contrefaçons.

 
La fausse histoire que May raconte, c’est qu’il est « fort probable » que le Kremlin ait ordonné de tuer l’ancien espion britannique Sergueï Skripal (et sa fille) avec une arme chimique « de fabrication russe » appelée Novitchok. En retour, d’après ce que nous savions déjà, il est fort probable que cette histoire soit un faux complet et flagrant. Comme je l’ai expliqué dans l’article précédent, ce n’est pas à nous d’établir ce qui s’est réellement passé. Nous serions incapables de le faire avec un certain degré de certitude sans avoir accès aux secrets d’État. Mais nous n’en avons pas besoin ; tout ce que nous avons à faire, c’est d’établir avec un degré raisonnable de certitude que l’histoire du gouvernement britannique est une fabrication stupide, concoctée de façon incompétente. Cela nous permettra ensuite de classer correctement la presse britannique, qui répète ces absurdités comme des faits, et le public britannique, qui les accepte sans conteste à leur juste valeur. Alors, nous pourrons abandonner l’appellation erronée de « Grande » – parce que les grandes nations n’agissent pas de façon aussi stupide.

Premièrement, en appliquant la technique d’enquête habituelle qui consiste à identifier les moyens, les motifs et les possibilités, nous constatons que le gouvernement russe n’en avait aucun alors que le gouvernement de Theresa May les avaient tous.

Les moyens : La Russie a renoncé à ses armes chimiques, est soumise à des inspections internationales et n’a plus de programme d’armes chimiques, tandis que la Grande-Bretagne, tout comme les États-Unis, ignorent leurs obligations conventionnelles. Ce pays n’a pas renoncé à ses armes chimiques, n’a pas fait l’objet d’inspections internationales et maintient un programme d’armes chimiques à Porton Down, à quelques kilomètres de l’endroit où les empoisonnements se sont produits. Les experts de Porton Down prétendent avoir identifié l’agent chimique supposé avoir été utilisé, ce qui implique qu’ils en avaient sous la main.

Le mobile : La Russie avait remis Skripal à la Grande-Bretagne lors d’un échange d’espions il y a quelques années et n’avait aucune raison de le poursuivre. Le fait de causer un scandale international juste avant la tenue de la Coupe du monde en Russie aurait été considéré comme un geste qui aurait mis fin à la carrière de tout officiel russe. D’un autre côté, le gouvernement de Theresa May avait grand besoin de détourner l’attention de ses négociations désastreuses autour du Brexit, d’obtenir des soutiens pour ses autres malheurs, et aurait voulu faire plaisir à ses maîtres à Washington en organisant une provocation contre la Russie.

L’opportunité : L’empoisonnement a eu lieu sur le sol britannique, en bas d’une rue menant à une usine d’armes chimiques britannique, et la personne empoisonnée vivait sous l’œil vigilant des services spéciaux britanniques. De toute évidence, les Britanniques ont eu amplement cette opportunité alors que cela reste à démontrer pour les Russes.

Ainsi, si l’on applique la norme juridique britannique désormais traditionnelle de « hautement probable », il semble « très probable » que le Kremlin n’ait rien à voir avec cela. Mais cela laisse encore ouverte la question de savoir avec quoi le Kremlin avait précisément à voir parce qu’il est « fort probable » que ce que le gouvernement britannique prétend avoir eu lieu ne s’est en réalité pas produit.

Les Britanniques affirment que deux agents du gouvernement russe, Alexander Petrov et Ruslan Bochirov (sic) se sont envolés de Moscou vers la Grande-Bretagne sur un vol Aeroflot, se sont rendus à Salisbury, ont vaporisé du Novitchok sur la poignée de la porte de Skripal, puis sont revenus. Ils ont transporté le Novitchok dans un flacon de parfum, qu’ils ont ensuite jeté dans un parc. Skripal et sa fille ont touché la poignée de la porte, puis sont sortis déjeuner et se promener, et quelques heures plus tard ont succombé de façon synchrone au poison, contaminant également un policier qui était venu à leur secours. Tous les trois ont fini par s’en remettre. Quelques semaines plus tard, un toxicomane local a trouvé le flacon de parfum dans un parc et l’a donné à sa petite amie, qui s’est aspergée de cette substance et est morte pendant que lui tombait malade avant de se rétablir.

Le Novitchok est une arme chimique conçue pour tuer au contact et détruire instantanément des villes entières. On sait qu’il a été synthétisé par des laboratoires de plusieurs pays, dont un de l’ex-Union soviétique. Il n’a jamais été synthétisé en Russie. On sait qu’il est beaucoup trop mortel pour avoir été utilisé de la manière décrite et pour avoir produit des effets aussi légers.

Premièrement, si Petrov et Bochirov avaient effectivement essayé de transporter cette substance volatile dans un flacon de parfum ordinaire plutôt que dans un contenant hermétiquement fermé de qualité militaire, ils ne seraient pas arrivés à destination mais seraient morts en cours de route. Deuxièmement, s’ils avaient tenté de pulvériser le Novitchok sur une poignée de porte sans porter d’équipement de protection, ils auraient été trouvés morts sur le pas de la porte de Skripal.
Troisièmement, si Skripal et sa fille avaient touché une poignée de porte contaminée par le Novitchok, ils auraient également été retrouvés morts sur le même seuil. En nous basant uniquement sur cette information, nous pouvons être certains que le poison en question n’était pas du Novitchok et quoi qu’il ait pu être il n’a pas été administré de la manière décrite.

Que reste-t-il de l’histoire britannique ? Que deux personnes sont arrivées de Moscou pour pulvériser un poison défectueux sur une poignée de porte, puis l’ont jeté ? (Il n’a tué qu’une personne sur cinq.) Les Britanniques ont prétendu que leurs noms étaient faux, tout comme leurs papiers, s’attendant à ce que nous croyions qu’on ne sait pas qui ils sont, mais que l’on sait qu’ils sont des agents russes. Eh bien, l’un de leurs noms est certainement faux à l’examen : c’est Bachirov (un nom de famille très courant dans la République russe du Tatarstan) et non Bochirov. Pourquoi un agent russe mettrait-il une coquille dans son faux nom ? Il semble « fort probable » que cette faute de frappe soit d’origine britannique.

Ensuite, on nous dit que ces deux-là sont arrivés directement de Moscou avec des passeports russes, ce qui signifie qu’ils ont dû obtenir des visas à l’ambassade britannique à Moscou dans un processus qui implique la prise d’empreintes digitales et autres données biométriques. Cela devrait les rendre faciles à identifier pour trouver leurs vrais noms, mais cela fait cinq mois et les autorités britanniques ne se sont toujours pas donné la peine de le faire. Il est donc « fort probable » qu’il ne s’agit pas de véritables agents russes, mais de concoctions britanniques fleurant bon l’amateurisme.

Et puis nous avons ce véritable bijou d’incompétence : les Britanniques ont montré des images vidéo de surveillance de ces deux personnages marchant séparément au même endroit à l’aéroport précisément au même moment, 02/03/2018 16:22:43. Apparemment, le gouvernement britannique s’attend à ce que tout le monde croie que les Russes ont perfectionné le voyage dans le temps. Par contre, nous devrions trouver beaucoup plus crédible le fait que le gouvernement britannique soit rempli de dégénérés faibles d’esprit et incompétents.

Alexander Petrov
Alexander Petrov
CCTV of Alexander Petrov and Ruslan Boshirov
Ruslan Bochirov
Cela soulève une question : qu’est-ce qu’il y a de si grand en Grande-Bretagne ? L’appellation « grande » a peut-être besoin d’être remplacée par un adjectif plus approprié, moins flatteur ? À vous de juger.
Les cinq stades de l'effondrement 

Dmitry Orlov

Le livre de Dmitry Orlov est l’un des ouvrages fondateur de cette nouvelle « discipline » que l’on nomme aujourd’hui : « collapsologie » c’est à-dire l’étude de l’effondrement des sociétés ou des civilisations.

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