samedi 24 juillet 2021

La nouvelle stratégie de sécurité nationale de la Russie

Article original de Leonid Savin, publié le 14 juillet 2021 sur le site Oriental review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Stratégie de sécurité

Le 2 juillet 2021, le président russe Vladimir Poutine a confirmé la nouvelle stratégie de sécurité nationale du pays. Elle remplace le précédent document datant du 31 décembre 2015 et elle est déjà entrée en vigueur. On remarque dès les premières pages que la formulation est moins abstraite, et que de nombreuses dispositions ont été développées. Ainsi, parmi les menaces, on trouve la mention répétée des actions américaines et des activités de l’OTAN, ainsi que des activités des groupes terroristes et extrémistes.

Dans les dispositions générales, les concepts de base restent inchangés, mais il y a maintenant des informations sur le renforcement de l’État souverain et la résistance aux tentatives d’exercer une pression extérieure. Des expressions telles que « puissance forte » et « valeurs fondamentales » sont utilisées, et la Russie est définie comme un État social régi par l’État de droit.

La Nouvelle stratégie a été publiée à la suite d’amendements à la Constitution, et une référence à la loi principale au début du texte indique la relation entre ces deux documents.

La deuxième partie note l’émergence de nouveaux centres de pouvoir qui entraînent des changements dans la structure de l’ordre mondial. Toutefois, il n’est pas fait mention d’une évolution vers la polycentricité (comme c’était le cas dans le document précédent). Au lieu de cela, il parle de coopération multilatérale sans lignes de démarcation sous le rôle central de coordination de l’ONU. Néanmoins, elle affirme directement que les pays occidentaux veulent préserver leur hégémonie, accroître les disparités de développement, appliquer deux poids et deux mesures et exercer une pression politique et économique sur la Russie et ses partenaires. Sous un faux prétexte, ils tentent d’entraver le développement de l’Arctique et des voies de transport par la Russie.

Il est révélateur que le document mentionne une crise du modèle libéral occidental, ce qui donne de l’importance à la question du leadership moral et à la création d’une base idéologique attrayante pour un futur ordre mondial. L’opportunité et l’importance pour la Russie de développer sa propre idéologie peuvent être lues entre les lignes.

Outre la perspective de nouveaux défis et menaces, le document mentionne également des opportunités supplémentaires pour la Russie si le pays est prêt à exploiter ses avantages concurrentiels, y compris l’attractivité de son système de valeurs.

La liste des intérêts nationaux et des priorités stratégiques comprend non seulement le développement économique durable et le maintien de la stabilité à l’intérieur et à l’extérieur du pays, mais aussi la sauvegarde et le développement du potentiel humain, la protection de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Russie, le renforcement des valeurs spirituelles et morales traditionnelles et la préservation du patrimoine historique.

L’importance de l’accroissement de la population du pays, du soutien à la famille et à la maternité, de l’augmentation du taux de natalité et de l’amélioration de la motivation à avoir de nombreux enfants est mentionnée à plusieurs reprises.

La section sur la défense se concentre sur deux menaces (bien qu’elle n’en parle pas directement) – les États-Unis et l’OTAN – et note l’escalade au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Afghanistan. Elle note également les tentatives de l’extérieur d’influencer la situation à l’intérieur du pays, en profitant de divers problèmes et difficultés socio-économiques.

Trois pages et demie sont consacrées à la sécurité de l’information, où il est notamment question du renforcement de la souveraineté de la Fédération de Russie dans l’espace de l’information, et de l’utilisation de technologies et d’équipements de communication étrangers qui accroissent la vulnérabilité des ressources d’information et des infrastructures critiques russes à l’influence de l’étranger. Le développement des forces et des moyens de la guerre de l’information, ainsi que l’interaction entre les autorités publiques, les organisations et la société civile, sont présentés comme des défis à relever pour renforcer la souveraineté en matière d’information.

Une section encore plus longue, composée de quatre pages, parle de la défense des valeurs spirituelles et morales traditionnelles, de la culture et de la mémoire historique. La promotion de l’égoïsme, de la consommation et du plaisir, l’imposition d’idéaux et de valeurs étrangers et l’« occidentalisation » de la culture sont présentées comme des tendances négatives. Elle affirme ouvertement que les valeurs traditionnelles russes sont attaquées par les États-Unis et leurs alliés, ainsi que par les sociétés transnationales, les organisations non gouvernementales et les groupes religieux et extrémistes. En fait, la stratégie note sans ambiguïté la nocivité de la globalisation sous toutes ses formes, notamment culturelles. Elle évoque également la nécessité de renforcer l’institution de la famille et de préserver les valeurs familiales traditionnelles, la souveraineté culturelle et l’éducation patriotique, tout en mettant en place la protection nécessaire contre l’expansion extérieure des idéologies et des valeurs ainsi que contre les informations destructrices et la pression psychologique.

Il est révélateur que la précédente stratégie de 2015 affirmait que « les valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes sont en train d’être ravivées », alors que leur érosion était alors classée comme une menace.

Plusieurs pages sont également consacrées à la sécurité économique, ainsi qu’aux moyens de résoudre un certain nombre de défis dans ce domaine.

L’ONU et le Conseil de sécurité, les BRICS et l’OCS, l’approfondissement de la coopération avec les États membres de la CEI, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie, l’UEE, l’Organisation du traité de sécurité collective, l’État de l’Union, les relations spéciales avec la Chine et l’Inde, et la poursuite de l’intégration dans le cadre du grand partenariat eurasiatique sont tous identifiés dans le cadre de la coopération internationale.

Dans l’ensemble, la nouvelle stratégie est essentiellement plus conservatrice, reflétant les tendances actuelles et les changements géopolitiques. Pour les partisans des valeurs traditionnelles et conservatrices, le document est plus acceptable que le précédent. Pour les libéraux et les globalistes, en revanche, il contient des dispositions clairement inacceptables.

Le contrôle de la mise en œuvre de la stratégie s’effectuera dans le cadre d’un suivi étatique, et le Conseil de sécurité en fera un rapport annuel.

Leonid Savin

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