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Au cours du dix-neuvième siècle, deux mouvements religieux typiquement américains ont vu le jour : le mormonisme et l’adventisme du septième jour (c’est-à-dire le millénarisme). Une des choses qui ressort vraiment du mormonisme, en particulier dans le contexte de l’interprétation de la prophétie judéo-centrique, est que les premiers mormons (Joseph Smith, Orson Hyde et autres) croyaient fermement qu’il y avait deux « peuples élus » : les juifs et les Américains (ou les « Seconds Israélites »). De même, selon le fondateur du jormonisme, Joseph Smith (1805-1844), il y a deux Jérusalem : la Jérusalem biblique originale située en Palestine, et une Nouvelle Jérusalem qui serait un jour établie en Amérique du Nord. Selon Smith, chaque ville abriterait l’un des deux peuples élus de Dieu ; les Juifs recevraient la vieille Jérusalem et les Américains hériteraient de la nouvelle. Les juifs recevraient le royaume terrestre de Dieu en Palestine, et les chrétiens (c’est-à-dire les protestants, et plus spécifiquement les mormons) hériteraient du royaume spirituel. C’est ainsi que les mormons et leur marque distincte de théologie protestante ont réellement commencé à développer une division théologique bien articulée entre juifs et Américains, contrairement à la division millénariste antérieure entre juifs et chrétiens.
Partie 1
Comme mentionné ci-dessus, l’autre mouvement religieux « américain » par excellence est l’adventisme du septième jour fondé par William Miller (1782-1849). Miller était quelqu’un qui s’intéressait énormément à l’interprétation de la prophétie judéo-centrique, et il a en fait « emprunté » le travail de plusieurs écrivains anglais – et même le système de calendrier des juifs karaïstes – afin de faire avancer ses opinions religieuses et, en particulier, de déterminer la date précise de la Seconde Venue qui devait alors inaugurer le règne millénaire du Christ sur terre. Il a particulièrement incorporé plusieurs des écrits du célèbre « Père de la physique classique », Sir Isaac Newton, qui a lui-même dépensé une quantité prodigieuse d’énergie intellectuelle pour examiner et interpréter les prophéties bibliques afin de déterminer la date exacte de la « fin du monde ».
Selon Miller, le retour du Christ se produirait entre le 21 mars 1843 et le 21 mars 1844, soit au cours de cette période d’un an entre les deux équinoxes de printemps. Quand la date limite est survenue, comme cela a inévitablement été le cas, Miller a donné comme excuse qu’il s’était trompé dans ses « calculs ». Il a donc recalculé et trouvé une nouvelle date : le 22 octobre 1844. Bien sûr, cette date est passée sans que rien ne se passe. C’était vraiment triste pour ses fidèles partisans, car, en préparation du « grand événement », ils avaient vendu toutes leurs possessions et propriétés terrestres au point de rester sans le sou. Cela a naturellement amené les disciples de Miller à entrer dans une profonde dépression, connue historiquement sous le nom de Grand désappointement.
Quoi qu’il en soit, il est important de noter que la façon dont William Miller diffère de presque tous les autres chefs religieux protestants est qu’il n’était pas judéo-centrique du tout. Au lieu de cela, il était un « super-sessionniste », signifiant qu’il croyait que l’alliance que les juifs avaient autrefois avec Dieu était maintenant détenue par les chrétiens, c’est-à-dire la vraie Église chrétienne. Par conséquent, selon la croyance « super-sessionniste », Dieu ne devait plus rien aux juifs. Comme Miller lui-même l’a dit un jour, « le juif a eu son tour ». Encore une fois, Miller n’était pas du tout judéo-centrique. Et parce qu’il avait une opinion plus négative à propos des juifs, Miller fut sévèrement critiqué et même condamné par de nombreuses personnalités protestantes américaines.Nous arrivons maintenant à la personne qui est considérée comme le père de l’évangélisme : John Nelson Darby (1800-1882). À l’origine, Darby était un prêtre anglican en Irlande qui était fermement opposé à l’église catholique et très intéressé par l’eschatologie et l’interprétation prophétique. Finalement, Darby en est venu à répudier l’Église anglicane d’Irlande et toutes les églises partout. Darby a alors commencé à conseiller à ses disciples de se couper du monde (ou des « affaires du monde »), de ne pas participer à la vie politique ni à la vie des Églises et de se préparer pleinement au retour du Christ. Comme les mormons, Darby établissait une distinction nette entre les vrais chrétiens (c’est-à-dire les protestants), qu’il considérait collectivement comme « l’épouse spirituelle du Christ » et les juifs qui composaient « l’épouse terrestre ». Darby promouvait l’idée que les juifs recevraient un héritage terrestre (Israël) et les chrétiens seraient enlevés vers le ciel pour être avec le Christ. Tous ceux qui sont restés sur terre allaient beaucoup souffrir sous le règne de l’Antéchrist à cause de tout le chaos et des destructions générés à travers lui.
Bien sûr, l’idée la plus célèbre dans tout le travail de Darby est cette idée du « ravissement » – un concept théologique qui est certainement très populaire aujourd’hui parmi les évangéliques aux États-Unis. Cependant, à la différence de beaucoup de ses contemporains et de ses prédécesseurs, Darby ne croyait pas que les juifs devaient être convertis au protestantisme afin d’inaugurer l’apocalypse. En d’autres termes, Darby était un pré-millénariste convaincu ; il croyait que lorsque le moment venu viendrait, Christ reviendrait simplement. Puis, à son retour, le Christ ravirait les élus (l’épouse spirituelle) et ils disparaîtraient de la surface de la terre. Les juifs (l’épouse terrestre) retourneraient ensuite en Palestine pour exterminer tous les musulmans et ainsi hériter de la Terre sainte. Alors l’Antéchrist émergerait pour lancer la Tribulation, un temps de grande terreur et de destruction, où tous les gens restant sur terre seraient fortement punis. Selon Darby, cette punition serait infligée par Dieu aux non-chrétiens en général, mais plus spécifiquement aux juifs pour leur responsabilité, comme il le voyait, pour la crucifixion du Christ.
Ainsi, Darby est souvent décrit comme un anti-supersessionniste (contrairement aux Adventistes du Septième Jour) parce que, dans un certain sens, il croit que les juifs sont toujours le peuple de Dieu. Même ainsi, ce n’est qu’une sorte d’anti-sessionnisme ornemental, car Darby croyait toujours que les juifs auraient à souffrir pendant la Tribulation (comme tout le monde restant sur Terre) et que seuls les vrais chrétiens échapperaient à l’horreur de l’Apocalypse. Il faut en outre savoir que Darby était en fait assez sévère dans ses remarques sur les juifs et, en effet, il a enseigné à ses disciples d’avoir cette même attitude méprisable à leur égard (en contraste frappant avec les sionistes chrétiens modernes). Selon Darby, le peuple juif n’était rien de plus que des éléments dans l’accomplissement de la prophétie biblique Les juifs n’étaient pas des personnes en soi, mais seulement des pièces d’un jeu d’échec dans l’accomplissement d’un grand drame cosmique.
Comme déjà mentionné, John Nelson Darby était fortement anti-politique. Il a déclaré ouvertement (se référant à lui-même et à ses partisans) : « Nous ne nous mêlons pas de politique ; nous ne sommes pas du monde : nous ne votons pas. » C’est une autre façon dont les évangéliques de Darby diffèrent de leurs homologues modernes politiquement mobilisés en Amérique. Et en parlant de l’Amérique, Darby visita le pays à plusieurs reprises, et il eut beaucoup d’influence sur divers prédicateurs américains, en particulier celui du nom de Dwight L. Moody (1837-1899). Ce fut essentiellement Moody qui commença à répandre la doctrine de Darby à travers les États-Unis – une souche unique d’interprétation biblique appelée « dispensationalisme », parce que Darby et Moody croyaient que la Parole de Dieu se révélait à l’humanité dans des « dispensations ».
Bien que le message anti-politique de John Nelson Darby ait eu une certaine résonance chez certains évangéliques américains du dix-neuvième siècle, en fin de compte ce message a échoué à être diffusé largement. C’est parce que les Américains ont une longue tradition de millénarisme civil (mélanger leur religion avec la politique), qui est fondamentalement enracinée dans l’idée puritaine de la Nouvelle Angleterre que les Américains sont le Nouveau Peuple choisi et l’Amérique le Nouvel Israël. Ainsi, comme on peut le constater d’après un certain nombre de ses commentaires sur l’Amérique, Darby était plutôt consterné par ce qu’il observait parmi ces Américains qui prétendaient suivre ses idées. Il est important de le souligner parce que, encore une fois, le sionisme chrétien moderne est extrêmement politique ou « mondain ». La théologie darbyste, en revanche, prônait un retrait complet du monde, non seulement de la politique mais aussi des églises organisées – et bien sûr, cette dernière position de Darby lui a valu beaucoup de mépris et de critique de la part de beaucoup de ses contemporains.
William E. Blackstone (1841-1935) est peut-être le personnage historique le plus important qui a jeté les bases du sionisme chrétien moderne, c’est-à-dire celui qui a contribué à lui donner une dimension politique puissante. Blackstone était un homme d’affaires qui a connu le succès tôt dans la vie. Quelque temps après avoir fait fortune, Blackstone décida de se retirer du monde des affaires et se consacra aux questions religieuses, en particulier à l’interprétation de la prophétie judéo-centrique. Il croyait (contrairement à Darby) à une implication politique active avec la mission explicite d’aider les juifs (oui les juifs, pas les chrétiens) autant que possible. Blackstone a publié son premier livre sur ce sujet en 1878, Jesus Is Coming. Il y mettait en évidence divers « signes » qui, pensait-il, démontraient de façon concluante que la fin des temps était proche. Il est important de noter que, à cette époque de l’histoire du monde, la publication de l’œuvre de Blackstone coïncida à peu près avec l’émergence du sionisme politique parmi les juifs d’Europe.
En ce qui concerne les « signes » prophétiques, William Blackstone considérait le sionisme comme un signe très encourageant et faisait tout ce qu’il pouvait pour aider Theodor Herzl et d’autres membres influents du Congrès sioniste mondial. Et en effet, Blackstone était un ami majeur des sionistes. De la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle, Blackstone a écrit à chaque président des États-Unis l’un après l’autre, leur demandant d’amener autant de juifs d’Europe de l’Est que possible dans son pays et d’aider les dirigeants sionistes à créer un État juif en Palestine. C’était dû en grande partie aux informations que Blackstone avait lues sur les divers pogroms anti-juifs qui se seraient produits en Russie à l’époque. Ainsi, Blackstone a d’abord écrit au président Harrison sur cette question, plaidant pour que des millions de juifs d’Europe de l’Est viennent en Amérique. Inutile de dire que ses appels n’ont pas été immédiatement couronnés de succès. Mais Blackstone était un activiste politique obstiné. Il devait continuer à écrire à d’autres présidents et politiciens sur la question juive et il a particulièrement réussi à se rapprocher de Woodrow Wilson. Ses lettres au président Wilson sont très intéressantes car il rappelle à plusieurs reprises que si Wilson aidait les juifs et les efforts sionistes pour établir un État juif en Palestine, alors Wilson entrerait lui-même dans l’histoire comme l’un des plus grands leaders mondiaux de tous les temps, dans la lignée de Cyrus le Grand. Les historiens savent très bien qu’au cours de sa carrière politique, Wilson avait développé un complexe messianique profondément ancré. Le « tact » de Blackstone face à Wilson (en le comparant à l’un des grands rois de l’histoire) était donc très perspicace et cela a donné d’excellents résultats.
Il faut dire qu’il y a un peu d’ironie dans la carrière de William Blackstone en tant que militant politique, parce que malgré le fait qu’il était quelqu’un qui voulait expulser des millions d’Arabes de leurs terres ancestrales au Moyen-Orient, et malgré le fait qu’il soit considéré comme un « père fondateur » du sionisme chrétien d’extrême-droite, Blackstone était vraiment un chrétien « progressiste/de gauche », un « social gospel ». Par exemple, l’une des institutions dont il a été chargé de l’établissement, a été la Cour internationale de justice. Et sans aucun doute, il s’agit de l’un des nombreux organismes mondiaux « humanitaires » que les sionistes chrétiens d’aujourd’hui dénigrent régulièrement en raison du fait que la CIJ arrive aussi à condamner régulièrement Israël. Il est donc ironique que cet homme (Blackstone), auprès duquel les sionistes chrétiens peuvent retracer leur lignée philosophique, ait été un fervent défenseur de la Cour internationale de justice.
Lorsque, au début du XXe siècle, les États-Unis assistèrent à la formation politique de l’État juif naissant par la déclaration Balfour de 1917, une philosophie millénariste distincte se manifesta de nouveau. Les dirigeants évangéliques sont devenus de plus en plus fermes dans leur soutien au peuple juif pour conquérir la Palestine et pour déposséder et même exterminer tous les musulmans parce que, selon eux, les juifs sont le « peuple élu » de Dieu. Les comparaisons ont été facilement faites (alors que de plus en plus de « colons » juifs ont immigré en Palestine) entre ce que les juifs faisaient aux Arabes et ce que les colons américains avaient déjà fait à la population indigène de l’Amérique du Nord. C’est dire qu’il y a eu un effort conscient, parmi les élites religieuses, culturelles et politiques, pour associer la conquête juive en cours de la Palestine à l’idée « héroïque » de la Destinée manifeste des Américains. L’extermination totale des Palestiniens a été considérée sous un jour positif, non seulement par les dirigeants sionistes chrétiens mais aussi par les grands médias américains. Les Américains et les juifs ont été dépeints comme étant venus ensemble, en tant que Peuple de Dieu, afin de mener à bien la mission que Dieu leur avait donnée d’étendre la civilisation judéo-chrétienne aussi loin que possible.
Il faut aussi comprendre que, à mesure que le sionisme gagnait en influence politique, à la fin du XIXe siècle, la mentalité impérialiste émergeait aussi en Amérique. La guerre cataclysmique entre les États confédérés (1861-1865), dans laquelle près d’un million d’Américains ont perdu la vie, était encore un souvenir récent pour la plupart, et la grande majorité a voulu oublier d’une manière ou d’une autre toutes les douleurs causées par cette guerre intestine particulièrement cruelle. Les Nordistes et les Sudistes ont eu désespérément besoin d’un semblant d’unité patriotique. La guerre hispano-américaine allait fournir une telle démonstration de patriotisme et d’unité nationale.La période de 20 ans entre la guerre hispano-américaine (1898) et la fin de la Première Guerre mondiale (1918) a connu une résurgence profonde du patriotisme américain qui a galvanisé la nation comme jamais auparavant. Il se trouve que ces deux décennies charnières ont également vu l’afflux de millions d’immigrants juifs (le plus important afflux de juifs dans l’histoire américaine). En outre, le système de la Réserve fédérale fut également établi à cette époque (par l’adoption de la Federal Reserve Act en 1913) et, pour la première fois dans l’histoire, le pouvoir politique et économique juif commença véritablement à se consolider en Amérique du Nord. Donc, tous ces facteurs ont commencé à se coaliser. Ce n’est pas par hasard que la croyance puritaine selon laquelle les Américains sont le peuple élu de Dieu a été ensuite projetée sur les sionistes. En effet, de plus en plus d’Américains en vinrent à considérer les juifs comme un peuple spécial, semblable à eux-mêmes. Il est donc facile de voir comment être pro-juif fait partie intégrante de la culture américaine. Cela a été vrai, historiquement, depuis les premiers jours de la colonisation, bien avant l’établissement officiel de l’État d’Israël en 1948. Aujourd’hui, il est même très douteux qu’une véritable identité américaine puisse exister sans qu’il y ait un éthos ferme et pro-juif en place, malgré ce que le nombre toujours décroissant de paléo-conservateurs peut dire. Tout cela remonte à la tradition civile millénariste née d’une source religieuse puritaine au XVIIe siècle et ensuite mélangée à une vision du monde impérialiste à la fin du XIXe siècle.
Cela explique le soutien fanatique pour Israël parmi les évangéliques (alias chrétiens sionistes) aux États-Unis. La croyance des évangéliques dans le ravissement et l’interprétation de la prophétie judéo-centrique, en plus du rôle central que les juifs et l’État d’Israël jouent dans le système global de croyances des évangéliques – tous ces piliers fondamentaux de la vision du monde sioniste chrétien signifient que les évangéliques (c’est-à-dire les sionistes chrétiens en général) doivent soutenir Israël et le lobby juif en Amérique. C’est littéralement une partie de leur religion – et j’ose dire le principe numéro un de toute leur Weltanschauung – que d’être pro-Israël. Leur soutien à Israël est si important, en fait, que si Israël cessait d’exister, leur religion se révélerait fausse. Donc, les évangéliques/chrétiens sionistes doivent faire tout ce qu’ils peuvent pour soutenir Israël de toutes les manières possibles.Maintenant, en plus des sionistes chrétiens, il y a un autre groupe de personnes dont on peut certainement dire qu’ils sont héritiers de la tradition pro-juive/pro-israélienne – et ce groupe est la faction néoconservatrice. Si les néocons ne sont pas des millénaristes modernes, alors moi, je ne sais pas qui l’est ! Jetez un coup d’œil au livre de Francis Fukuyama, The End of History (1992). Dans ce travail (son plus célèbre), Fukuyama déclare qu’avec la chute de l’Union soviétique, la démocratie libérale a essentiellement triomphé de tous les autres systèmes politiques du monde. Et comme beaucoup d’autres néocons, Fukuyama croit que l’Amérique a le droit et le devoir moral d’aller de l’avant et de répandre sa marque spéciale de « liberté et de démocratie » dans le monde entier. Encore une fois, on voit cette idée puritaine de l’Amérique comme étant un second Israël favorisé par Dieu – le même grand « bastion de la liberté » auquel les puritains croyaient depuis leur arrivée initiale à Plymouth Rock jusqu’à l’époque révolutionnaire. Et bien sûr, cela rejoint aussi l’aspect millénariste, l’idée du millénarisme démocratique, que la démocratie a conquis le monde et que la dictature a disparu pour toujours. Si le livre de Fukuyama n’est pas une œuvre ouvertement millénariste, alors (encore une fois, de l’avis de l’auteur) rien ne l’est ! Ensuite, il y a des groupes de néocons comme celui qui a poussé avec véhémence la guerre en Irak – le Projet pour le nouveau siècle américain. J’ai le sentiment que la seule raison pour laquelle ils ne se sont pas appelés le « Projet pour un nouveau millénaire américain » était parce que ce titre semblait trop grandiose, et peut-être aussi qu’il aurait grillé leur couverture !
Ce qui est ironique chez les historiens néoconservateurs, c’est qu’ils tendent à minimiser l’effet de la religion sur la culture américaine et sur la fondation des États-Unis. Ils prétendent que les fondateurs étaient tous des laïcs et que le nationalisme religieux des Puritains n’était pas une force influente dans la fondation du pays. Cette prémisse est bien sûr erronée à 100%. Néanmoins, les néocons sont définitivement un groupe qui a hérité de la tradition millénariste, et cela explique assez bien pourquoi les néocons ont tendance à s’accorder sur tant de points avec les chrétiens évangéliques, surtout en ce qui concerne leur soutien commun à l’État d’Israël et aux juifs américains. [À noter que les néocons ont aussi des racines trotskistes, NdT].
En effet, le lobby pro-israélien aux États-Unis est très influent Cependant, si ce n’était pas cette longue tradition pour former l’identité américaine autour des lignes judéo-centriques et millénaristes, il est très douteux de suggérer que le lobby israélien aurait un quelconque pouvoir aux États-Unis. Comme déjà mentionné, ce n’est simplement qu’une partie de la culture américaine d’être pro-juif. Ce fait a finit par rendre le lobby israélien plus puissant et c’est la source ultime du soutien américain à l’État d’Israël, en dépit du fait qu’Israël n’offre aucun avantage stratégique au gouvernement américain et malgré le fait qu’Israël ne partage aucune des prétendues « valeurs démocratiques » avec les États-Unis ou l’Occident dans son ensemble. [Il s’agit quand même d’un porte-avion fixe au milieu du Moyen-Orient, NdT].
Dans son livre Knowing Too Much (2012), Norman Finkelstein, érudit juif américain, prédit que le soutien américain à Israël prendra fin au fur et à mesure que les atrocités d’Israël se répandront dans les médias et que les juifs américains en apprendront de plus en plus sur la véritable nature de l’agression israélienne (étant donné qu’ils ont tendance à être cérébraux et littéraux). Les juifs américains concluront donc que le soutien d’Israël s’oppose à leurs propres croyances majoritairement libérales. Et ainsi, au fil du temps, alors que cette tension deviendra de plus en plus forte, les juifs américains cesseront de soutenir Israël avec autant de ferveur qu’ils l’ont fait par le passé, ce qui mènera à la fin du soutien américain à Israël en général. C’est la revendication de Finkelstein, et elle est finalement imparfaite. Parce que, ne vous méprenez pas : le soutien américain à Israël ne prendra pas fin.
Même si les juifs américains cessent de soutenir Israël demain, il y aura encore plusieurs dizaines de millions d’évangéliques qui soutiennent l’État juif. Il y a encore tout un contexte culturel de pro-judaïsme qui fait partie de l’identité américaine et de la croyance (qui remonte à l’époque des Puritains) que les Américains sont les Nouveaux Israélites. Cet ethos pro-juif profondément enraciné (enraciné dans la psyché de dizaines de millions d’Américains) est quelque chose qui sera beaucoup plus difficile à déraciner et à éliminer que les vues pro-israéliennes de la minorité juive américaine (qui sont elles-mêmes divisées sur le problème).Si nous considérons les évangéliques, le soutien à Israël est le principe central de leur religion. Ce n’est pas Jésus ou Dieu ou le Saint-Esprit, et ce n’est certainement pas l’un des enseignements du Sermon de Jésus sur la montagne. Le soutien à Israël est l’idée la plus fondamentale derrière le christianisme évangélique ou ce que l’on pourrait aussi appeler le sionisme chrétien. Et les évangéliques continueront leur soutien à Israël, peu importe les atrocités odieuses que cet État terroriste illégal continue de perpétrer contre les peuples autochtones non juifs de la région. Les évangéliques et les sionistes chrétiens en général s’en fichent tout simplement. Ils évaluent la justice ou l’injustice de quelqu’un par le degré auquel cette personne soutient Israël. Ce genre de soutien fanatique ne va pas disparaître de sitôt. Ce problème est donc bien plus grave que Finkelstein ne le croit et, d’ailleurs, il est beaucoup plus grave que ne le réalise le méprisable pourfendeur de juifs, David Duke, un homme qui s’est engagé à blâmer les juifs et seulement les juifs pour tous les maux dans ce monde. Ne vous y trompez pas : le problème sioniste ne vient pas du soutien juif américain à Israël. Au contraire, il est entièrement enraciné dans la culture pro-juive, l’histoire, la politique, l’identité et les traditions religieuses des « Gentile Americans », un bloc religieux, culturel, politique et national qui constitue le soutien principal aux actes ignobles d’Israël, sans lequel l’État sioniste d’Israël n’aurait jamais vu le jour.
Christopher Pisarenko
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