Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
La rencontre la plus tristement célèbre de la civilisation occidentale avec une maladie pandémique, jusqu’à présent, a été la grande première vague de la peste noire qui a couru de 1346 à 1353. Ce bacille était bien réel. Il a tué des gens à gauche et à droite, dans tous les groupes d’âge, dans toutes les catégories sociales, et il les a tués de façon horrible. Peu de ceux qui l’ont attrapé ont survécu. Jusqu’à la moitié de la population de l’Europe a péri, ainsi que beaucoup de ses moyens sociaux et économiques.
La cause de la peste noire a été sujette à toutes les explications possibles, à l’exception de la véritable, Yersina pestis, une bactérie associée aux rats et à leurs insectes parasites, puces et poux, qui logeaient également chez les humains vivant dans les conditions généralement sordides de l’époque – l’ancienne habitude romaine de se baigner ayant depuis longtemps été oubliée. Au sommet de leur liste de causes se trouvait un Dieu en colère, et son méchant subordonné d’autrefois, Satan. Les « experts » de cette époque avaient tendance à se trouver dans la hiérarchie de l’Église, avec ses obsessions et ses compulsions mornes. La frontière ténue entre le surnaturel et la réalité a perdu toute forme de certitude.
Les Juifs ont fait l’objet de nombreuses diffamations, ce qui a conduit à des massacres à Strasbourg, Mayence et Cologne. Dans l’ensemble, cet épisode a représenté une formidable leçon d’humilité pour l’humanité. L’allégorie de la Danse Macabre, un condensé de l’antique et universel voyage de l’humanité vers le néant de la mort.
D’un autre côté, comme diraient les interpolateurs relativistes modernes, la peste bubonique a balayé la population européenne pour la ramener à une échelle plus conforme à sa base de ressources. Après cette première grande vague de maladie, la terre était moins chère et le travail humain mieux récompensé. Finalement, plus de nourriture était disponible par tête. Soit dit en passant, la peste a suscité la nostalgie de l’Antiquité classique de la Grèce et de Rome, en particulier chez les érudits de Florence, lançant les extravagances de la Renaissance, des Lumières, et finalement notre propre mise en scène de la Modernité techno-suprématiste.
Covid-19 semble être une maladie plutôt punk par rapport à la peste noire. Ses victimes sont, de loin, des personnes déjà sur le toboggan de la rafle suivante. À défaut de son origine, nous savons exactement ce qui la provoque, et pourtant la réponse de nos experts a été beaucoup plus ambiguë que celle des évêques de la chrétienté lors de la grande peste. Les différents scientifiques, médecins, responsables de la santé publique et politiciens semblent, pour l’observateur occasionnel, à peu près également divisés entre ceux qui considèrent le virus corona comme une grave menace et ceux qui insistent sur le fait qu’il n’est guère pire qu’une grippe saisonnière. Que faut-il croire ? Ou faire ?
Ce qui nous amène au bord du Grand déconfinement. La nostalgie actuelle du statu quo pré-Covid-19 est naturellement intense. Les cérémonies de rassemblement humain, les fiestas entre amis, les frôlements d’épaules de la vie urbaine, les lieux bondés des arts animés, et les grandes orgies de dépense physique du sport professionnel ont tous disparu de la vie quotidienne. La vie du puzzle qui n’en finit pas, de YouTube et de Netflix s’est révélée inadaptée aux aspirations humaines. Les moyens d’existence, les sources de revenus et les rôles gratifiants dans la vie quotidienne ont également disparu. La démangeaison de sortir et de faire, de sortir et de créer, de sortir et d’être, est écrasante.
Derrière ces simples aspirations, cependant, se profile le spectre d’un système qui semblait déjà s’effondrer avant l’entrée en scène de la Covid-19. On s’accorde largement pour dire que la maladie a catalysé les désordres de la finance et de l’économie et a accéléré les dégâts – mais pas parmi les personnes les plus responsables de l’ingénierie des fragilités qui ont fait s’écrouler les choses
Jerome Powell, le pape de l’Église de la Réserve fédérale, a participé hier soir à l’émission 60 minutes pour rassurer la nation sur le fait que les choses finiront par revenir à la normale. « Je pense que vous verrez l’économie se redresser régulièrement au cours du second semestre de cette année. »
Oui, si vous le dites. A-t-il croisé les doigts ? On ne peut pas le dire parce que la caméra l’a cadré sur le visage. Personnellement, je pense que le président de la Fed a soufflé la fumée de son joint dans le trou du cul de la nation. Aussi effrayant qu’il ait été, le virus Covid-19 a également été une grande couverture pour l’effondrement naturel d’un ensemble d’arrangements gravement déséquilibrés, écologiquement peu solides et malhonnêtement élaborés, qui arrivent maintenant à échéance avec une vitesse effrayante. L’industrie automobile est en train de mourir. L’industrie aérienne laisse reposer sa flotte de gros oiseaux dans des cimetières, au désert. L’opération de racket des universités est tombée de la falaise, en même temps que les escrocs du racket médical. L’agroalimentaire n’a plus de modèle économique. Des centaines de types de services n’ont plus de clients qui peuvent s’offrir leurs prestations, de l’acupuncture à l’enseignement des mystères de la fermentation – la zymurgy. Rien de tout cela ne pourra être réglé par des injections d’argent miraculeusement sorti de nos poches en quantités qui transformeraient chaque citoyen américain en millionnaire – s’il n’était pas simplement englouti par les petits merdeux ennuyeux des marchés boursiers et obligataires.
La grande question du grand déconfinement est de savoir quand la reconnaissance de tout cela va se transformer en émotion brute. La Covid-19 sera peut-être encore là, mais ce sera le moindre de nos problèmes. Les masques tomberont. La danse pourra commencer.
James Howard Kunstler
Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.
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