Article original de James Howard Kunstler, publié le 23 Juin 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Pensez au débat sur la réforme de l’ObamaCare qui se joue
maintenant au Sénat des États-Unis en tant que la fin gargouillante
d’une politique qui tourbillonne autour du siphon. Ils prétendent tenter
de résoudre le problème d’un racket qui pèse 8% de l’économie
américaine. Bonne chance !
Comment est-ce arrivé ? Au début du XXe siècle, cela représentait 0,25% de l’économie.
L’explication standard est que, d’abord, Medicare a fait
augmenter l’activité générale des soins de santé dans les années 1960,
s’appuyant sur une clientèle de personnes âgées qui n’avait précédemment
reçu aucun traitement spécial et était, en général, en moins bonne
santé que les plus jeunes. Deuxièmement, l’innovation technologique a
ouvert tant de nouvelles méthodes de lutte contre les maladies pour
tous, jeunes et vieux, que nous pouvons traiter plus de maladies de
manière plus compliquée – et cela a entraîné des coûts encore plus
élevés.
La plus grande partie de l’histoire reste parfaitement dissimulée dans
la matrice des rackets érigée autour des flux d’argent depuis la forte
augmentation des coûts dans les années 1960. Sont impliqués les
compagnies d’assurance, le Big Pharma, les pratiques des médecins
enrégimentés, les monopoles hospitaliers et, bien sûr, les politiciens
corrompus, tous divisant entre eux un colossal système d’extorsion qui
existe principalement pour une raison simple : tous les coûts sont
cachés à la vue du public.
Personne n’a vraiment idée de ce que cela coûte. Certainement pas les patients, parfois appelés « clients » ou « consommateurs »
– en vérité des otages. Si vous vous rendez à l’hôpital pour un stent
dans l’artère coronaire descendante gauche, personne ne vous dira ce
qu’il en coûte, en commençant par les médecins qui ont effectué la
procédure mille fois. Ils ne peuvent même pas estimer le coût (ou ne le
feront pas), mais ils pourraient probablement vous donner un très bon
nombre de conseils pour le coût et l’installation d’une nouvelle pompe à
injection sur leur dernière BMW.
Les coûts des soins médicaux ne sont jamais discutés avec le patient.
Les médecins prétendent surtout considérer une telle proposition comme
une indignité pour leur profession, comme les aristocrates britanniques
qui considéraient toutes les questions relatives à l’argent dans le
cadre de Downton Abby – un sale marché qu’il est mieux de laisser aux domestiques, comme l’élimination des restes de table. Bien sûr, les « serviteurs » dans le cadre de l’hôpital sont une fantastique hiérarchie de clercs dangereusement suralimentés et submergés par l’anomie,
passant des heures innombrables à taper des nombres fictifs sur leurs
ordinateurs. Une vie plus inutile peut difficilement être conçue. Si
vous demandez à ceux qui font « l’interface » avec
vous au comptoir de départ pour savoir comment votre facture a été
calculée exactement, vous ne recevrez pas plus qu’un impitoyable regard
de mépris – qui pointe en fait vers leurs propres dilemmes existentiels,
une pathologie dynamique qui mérite peut-être l’attention des fonds de
recherche.
Le coût de tout ce qui concerne la médecine est élaboré dans une
danse de la pluie privée entre les différentes parties concernées
mentionnées sur la base de ce qu’ils pensent pouvoir extraire de chaque
cas particulier. Dans les hôpitaux, tout cela est permis par le système « ChargeMaster » bien connu qui, pour le dire aussi simplement que possible, permet aux hôpitaux de se contenter de faire de la merde.
Tout projet de loi au Congrès qui affecte la réforme de cette
malversation financière absolue dans les soins de santé devrait
commencer par l’obligation de publier publiquement le coût de tout ce
que font les médecins et les hôpitaux et de permettre aux « fournisseurs de services »
d’être payés uniquement sur la base des coûts affichés publiquement –
évitant ainsi la lucrative danse de la pluie pour baisser les rançons
payées par les prisonniers-patients qui viennent voir ces « fournisseurs »,
malgré tout, in extremis. Notez que cette caractéristique cruciale de
la crise manque non seulement au débat politique, mais aussi dans les
pages parlant supposément de l’intérêt général dans le New York Times
et autres organes médiatiques. Peut-être cette facette du problème
n’est-elle jamais entrée dans les esprits des éditeurs ? Dans ce cas, il
faut absolument se demander : à quel point sont-ils stupides ?
(La déclaration la plus amusante à propos d’ObamaCare dans le New York Times
d’aujourd’hui est la déclaration selon laquelle 20 millions de citoyens
ont accès aux soins de santé en vertu de la Loi sur les soins
abordables. Vraiment, vous voulez dire qu’ils ont eu des polices
d’assurance maladie avec des rabais de 8 000 dollars, alors même qu’ils
n’ont pas 500 dollars d’économies pour payer les réparations de leur
automobile ? Sur quelle planète vivent les journalistes du New York Times ?).
Les questions corollaires concernant la déconstruction du coté assurances du racket des soins de santé et l’attribution de ses « fonctions » à un organisme gouvernemental « à payeur unique »
sont, bien sûr, un niveau de débat plus élevé. Je ne dis pas que cela
fonctionnerait, même s’il était modélisé sur l’un des systèmes qui
fonctionnent actuellement ailleurs, disons en France. Mais les
Américains sont allergiques même à l’idée d’y penser, ou du moins ils
ont été conditionnés à imaginer qu’ils y sont allergiques par des
politiciens intéressés. Donc, le produit actuel du débat au Sénat des
États-Unis n’est qu’un schéma pour faire semblant de réapprovisionner le
flux colossal d’extorsion pour les extorqueurs.
Épargnez-vous l’inquiétude même de vous soucier du résultat du débat sur les soins de santé actuel. Rien ne va être « corrigé ».
Le système médical tel que nous le connaissons va exploser, et vite,
tout comme les systèmes de retraite à travers le pays, et les bons du
trésors des cinquante États eux-mêmes et le reste de l’économie Potemkine des USA.
James Howard Kunstler
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire