Article original de Andrew Korybko, publié le 14 août 2017 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Beaucoup de personnes dans la communauté des médias alternatifs ont été surprises par la décision de la Russie et de la Chine de suivre les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies proposées par les États-Unis contre la Corée du Nord. Cela en particulier compte tenu du fait que cela arrive dans un contexte où les États-Unis y ont récemment fait passer plus de sanctions anti-russes et menacent même de sanctionner la Chine, ce qui a créé la perception que les deux pays « se sont vendus » aux États-Unis. Il ne semble tout simplement pas logique pour certains que ces deux grandes puissances multipolaires, qui sont vraisemblablement contre le soi-disant « Nouvel ordre mondial », fassent cela. La réalité, comme cela se produit habituellement, est beaucoup plus complexe que les arguments simplistes dans les médias sociaux, et elle mérite donc une explication plus poussée afin que les individus puissent se faire leur idée sur ce qui s’est passé et pourquoi.
Avant d’aller plus loin, il faut donner des précisions importantes : bien que la Russie et la Chine soient des puissances multipolaires, elles cherchent à réformer graduellement et de manière stable l’ordre mondial existant, et non pas radicalement et de manière chaotique, comme veulent le faire les soit-disant « super patriotes ». Ce sont les États-Unis qui jettent régulièrement les affaires mondiales dans l’incertitude dans l’espoir de déstabiliser leurs rivaux et d’en profiter pour tester des percées stratégiques au milieu du chaos, pas la Russie et la Chine qui préfèrent s’engager dans une planification à long terme dans des conditions de prévisibilité globale. Étant donné que ces déterminants stratégiques influencent leurs décideurs, ils sont déjà prédisposés à rejeter les essais nucléaires et de missiles balistiques de la Corée du Nord, en particulier lorsqu’ils continuent d’être pratiqués en dépit des sanctions existantes du CSNU que Moscou et Pékin ont déjà approuvées.
En outre, la Russie et la Chine ne soutiendront jamais aveuglément un État comme la Corée du Nord, simplement parce que les États-Unis sont contre et ne seront jamais à l’aise avec un tel pays faisant ce qu’il veut dans ces circonstances si ses actions contribuent à une plus grande instabilité. Aucun jugement de valeur n’est exprimé ici, juste une déclaration de faits sur les intérêts d’État de la la Russie et de la Chine, tirés des preuves empiriques au fil des ans. Dans le contexte de l’Asie du Nord-Est, les missiles et les essais nucléaires de la Corée du Nord créent un prétexte pour « justifier » le déploiement du système THAAD des États-Unis dans la péninsule, que la Russie et la Chine considèrent comme une menace latente pour leurs capacités nucléaires de seconde frappe avec le temps. De leur point de vue, il est logique de vouloir exercer une pression multilatérale sur la Corée du Nord pour mettre fin à ces activités déstabilisatrices.
Ce qui c’est globalement passé, c’est que les États-Unis ont réussi à façonner la situation de telle sorte que les intérêts de la Russie et de la Chine ont largement convergé avec ceux de Washington dans le resserrement des sanctions contre la Corée du Nord, et que cela est indépendant des récentes sanctions anti-russes ou des menaces latentes d’imposer des restrictions économiques à la Chine. Les États-Unis ont exploité les positions stratégiques de la Russie et de la Chine en favorisant leur prévisibilité et leur désir de stabilité pour les convaincre de suivre l’adoption de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord. Cette attitude fait aussi progresser leurs propres intérêts, comme cela a été décrit précédemment, et leur offre en plus une ouverture proverbiale pour l’amélioration des relations bilatérales après qu’elles sont tombées à leur niveau de crise actuel.
Que l’on pense que c’était moralement correct ou moralement erroné, il n’en demeure pas moins que la Russie et la Chine ont approuvé les dernières sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies contre la Corée du Nord, car elles correspondent à leurs grands intérêts stratégiques, et non parce qu’elles ont été obligées de se contredire sous la pression américaine.
Andrew Korybko
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