Article original de Karen DeYoung, publié le 22 mars 2018 sur le site Washinghton Post
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salman a déclaré jeudi qu’il serait « vraiment insensé »
d’échanger des informations classifiées avec le gendre présidentiel et
le conseiller de la Maison Blanche, Jared Kushner, ou de tenter
d’utiliser Kushner pour promouvoir les objectifs saoudiens au sein de
l’administration Trump.
« Ce type de relation ‘ne nous aidera pas’ et n’existe pas » a-t-il dit. S’exprimant lors d’une réunion avec les rédacteurs et journalistes du Washington Post, Mohammed a démenti les informations des médias américains selon lesquelles Kushner était « dans sa poche »
ou bien, que lors de leur rencontre à Riyad en octobre, il aurait
demandé ou reçu le feu vert de Kushner pour des arrestations massives de
membres prétendûment corrompus de la famille royale et d’hommes
d’affaires saoudiens, celles qui ont eu lieu dans le royaume peu de
temps après.
Les détentions étaient uniquement une affaire domestique dans des
affaires judiciaires en cours depuis des années, a dit le prince.
Bien que « nous travaillions ensemble comme des amis, plus que comme des partenaires »,
a déclaré Mohammed, sa relation avec Kushner s’inscrivait dans le
contexte normal des contacts de gouvernement à gouvernement. Il a noté
qu’il avait également de bonnes relations avec le vice-président Pence
et d’autres à la Maison Blanche.
Lors de la réunion de 75 minutes au Post le dernier jour de
son séjour de quatre jours à Washington, Mohammed était animé et
volontariste, répondant aux questions sur divers sujets, sur la guerre
au Yémen ; sur processus de paix au Moyen-Orient ; sur l’Iran ; sur son
programme de réforme interne ; sur les droits de l’homme et les plans
nucléaires de l’Arabie saoudite.
Bien que le contenu de la réunion, en anglais, soit resté non
divulgué, l’ambassade saoudienne a convenu par la suite que des parties
spécifiques pourraient être utilisées dans un article sur la session.
Le fils du roi Salman et héritier du trône saoudien, Mohammed, 32
ans, a rencontré le président Trump mardi dans le bureau ovale au cours
d’un déjeuner. Il a également parlé avec un certain nombre de dirigeants
du Congrès − dont beaucoup ont critiqué la guerre saoudienne assistée
par les États-Unis au Yémen. Jeudi, il a rendu visite au secrétaire à la
Défense Jim Mattis, au Pentagone. Le prince héritier sert également de
ministre de la défense de l’Arabie saoudite.
Mais la pièce maîtresse de sa tournée de près de trois semaines aux
États-Unis viendra avec les arrêts suivants à Boston, New York, Seattle,
dans la Silicon Valley, puis à Los Angeles et Houston.
Même si Trump a déclaré qu’il cherchait à augmenter les
investissements et les achats d’équipement militaire américain et
d’autres produits par l’Arabie saoudite, Mohammed a clairement indiqué
que sa mission première était de gagner la confiance des investisseurs
américains pour venir dans son pays, ainsi que d’obtenir une assistance
technologique et éducative dans ces efforts pour réformer le royaume
ultraconservateur.
La Chine et la Russie rivalisent avec les États-Unis pour construire
des composants des nouvelles centrales nucléaires dans le royaume, en
raison des inquiétudes suscitées par la volonté saoudienne d’enrichir
l’uranium. Dans une interview à l’émission 60 Minutes sur CBS dimanche dernier, Mohammed a déclaré que son pays construirait une arme nucléaire si l’Iran le faisait.
Il a déclaré au Post que sa principale préoccupation était
de pouvoir enrichir et utiliser l’uranium saoudien pour l’utiliser dans
des réacteurs pour produire de l’énergie, plutôt que de l’acheter à
l’étranger. Son pays possède plus de 5% des réserves mondiales d’uranium
et « si nous ne l’utilisons pas, c’est comme si on nous disait de ne pas utiliser de pétrole. »
Les États-Unis, a-t-il dit, seront invités à mettre en place des lois
et des structures pour s’assurer que l’uranium enrichi n’est pas
détourné.
Mohammed a longuement parlé des perspectives de croissance économique au Moyen-Orient, disant que cela pourrait être « la prochaine Europe » si une série de problèmes peuvent être résolus.
L’un de ces problème est le différend israélo-palestinien qui dure
depuis plusieurs décennies. Trump a désigné Kushner pour proposer un
plan de paix et Kushner a rencontré Mohammed cette semaine sur ce sujet,
avec Jason Greenblatt, un avocat de la Trump Organization que Trump a
apporté avec lui à la Maison Blanche pour l’aider dans ces efforts.
Une fois que le plan américain sera prêt, Kushner voudra que les
Saoudiens et les autres principaux pays arabes aident à persuader les
Palestiniens de l’accepter.
La position officielle saoudienne est que tout accord de paix doit
reconnaître un État palestinien à l’intérieur de certaines frontières,
Jérusalem-Est étant sa capitale. Les dirigeants arabes ont déclaré que
la récente reconnaissance par Trump de Jérusalem en tant que capitale
d’Israël − une décision que Mohammed a qualifié de « douloureuse » − a rendu beaucoup plus difficile un accord sous les auspices des États-Unis.
Au sujet de la guerre au Yémen, Mohammed a déclaré que l’Arabie saoudite n’avait pas laissé passer « la moindre occasion » d’améliorer la situation humanitaire, bien que les bombardements saoudiens aient causé la mort de plus de 5 000 civils.
« Il n’y a pas de bonne option et de mauvaise option. Les options sont entre les mauvaises et les pires »,
a-t-il dit à propos du conflit au Yémen avec les rebelles houthis
soutenus par l’Iran qui ont renversé le gouvernement reconnu par
l’Arabie saoudite.
Discutant de ses efforts de réforme dans son pays, y compris le fait
de donner aux femmes le droit de conduire et d’avoir plus de droits en
dehors du foyer, Mohammed a dit qu’il a travaillé dur pour convaincre
les chefs religieux conservateurs que de telles restrictions ne font pas
partie de la doctrine islamique. [Le WAPO et MBS ne doutent de rien. Si c’est MBS qui doit expliquer la théologie aux chefs religieux… où va-t-on ?, NdT].
« Je crois que l’islam est raisonnable, l’islam est simple et des gens essaient de le pirater », a-t-il dit. Les longues discussions avec les religieux, a-t-il dit, ont été positives et expliquent « pourquoi nous avons plus d’alliés dans l’establishment religieux, jour après jour ».
Interrogé sur la propagation du wahhabisme financée par l’Arabie
saoudite, la foi austère dominante dans le royaume et accusée d’être une
source du terrorisme mondial, Mohamed a déclaré que les investissements
dans les mosquées et madrassas à l’étranger étaient enracinés dans la
guerre froide. Ce sont les alliés qui ont demandé à l’Arabie saoudite
d’utiliser ses ressources pour empêcher les incursions de l’Union
soviétique dans les pays musulmans.
Les gouvernements saoudiens successifs ont perdu le contrôle, a-t-il dit, et maintenant « nous devons tout remettre en place ». Le financement provient maintenant principalement de « fondations » saoudiennes, a-t-il dit, plutôt que du gouvernement.
Karen DeYoung est rédactrice associée et correspondante principale à la sécurité nationale pour The Post
Note du traducteur
Le Washington Post est depuis bien longtemps devenu un média de propagande. Les propos du prince saoudien sont donc à décrypter entre ce qu'il dit, ce qu'il ne dit pas, les questions qui sont posées et celles qui ne le sont pas. Les propos les plus intéressants sont à la fin, le fait de reconnaître que la doctrine actuelle encore officielle va être réformée et qu'elle a été poussée en avant par l'Occident. C'est noté.
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