Article original de Andrew Korybko, publié le 24 mars 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Le gouvernement serbe envisage un « compromis » sur le Kosovo.
Le président serbe Aleksandar Vučić a déclaré au secrétaire d’État américain aux Affaires européennes Wess Mitchell la semaine dernière que son pays était « prêt à parler de possibles compromis » pour entrer dans l’UE, un changement de politique radical qui a longtemps été suspecté
par ses détracteurs. Cela doit inclure le changement de la constitution
pour être légal. On ne sait pas encore exactement ce sur quoi il a
l’intention de « faire des compromis » mais des individus comme Timothy Less
spécule depuis la fin de l’année 2016 qu’il pourrait s’agir d’un
échange territorial par lequel les régions peuplées de Serbes seraient
rattachées à Belgrade, en échange du fait que la majorité restante du
territoire, habitée par des Albanais, serait de facto reconnue par le
gouvernement comme un « État indépendant ».
Le problème avec cette proposition soi-disant « pragmatique »
– outre sa moralité douteuse en abandonnant le berceau historique de la
civilisation serbe et les complexités juridiques inhérentes au
changement de la Constitution – est qu’elle pourrait facilement produire
un « effet domino » dans toute la région et voir d’autres changements géopolitiques survenir.
La région majoritairement musulmane de Raška en Serbie, désignée communément par sa dénomination générique de « Sandžak »
à l’époque ottomane chaque fois qu’elle est mentionnée par les médias
mainstream, pourrait être la prochaine sur le billot, tout comme la vallée de Preševo, bordant la frontière du Kosovo et peuplée d’Albanais. Au-delà de la Serbie, la Macédoine pourrait être « fédéralisée » ou scindée entre sa majorité macédonienne et sa minorité albanaise, ce qui pourrait ouvrir la voie à une « Grande Albanie » et à une « Grande Bulgarie » avec le temps.
La Bosnie est un autre pays balkanique qui pourrait être immédiatement affecté par des « échanges territoriaux » ou des « compromis »
spéculatifs, car il est bien connu que la moitié serbe du pays protège
fièrement son autonomie face à la tendance centralisatrice
inconstitutionnelle de Sarajevo. L’actuel Commandant suprême des forces
alliées en Europe du Commandement allié des opérations de l’OTAN Curtis
Scaparrotti a récemment fait savoir à la coalition de la peur au Congrès que « la population serbe » était « un sujet de préoccupation » pour lui « en particulier »
confirmant que ces populations russophiles sont toujours dans la ligne
de mire des USA presque un quart de siècle après la guerre de l’OTAN en
Bosnie. Il est intéressant de noter que les États-Unis s’opposent publiquement à la création d’une entité politique croate distincte dans cette nation fracturée, mais il est concevable qu’elle puisse aussi « faire des compromis » sous prétexte qu’il est nécessaire d’arrêter le « sécessionnisme serbe » dans le pays.
Il n’y a aucun moyen de savoir avec certitude si l’un de ces scénarios interconnectés se matérialiserait si le président Vučić se « compromet »
sur le Kosovo, mais on ne peut pas non plus éviter le fait que les
Balkans ont toujours été une boîte de Pandore géopolitique où même les
plus petits développements ont tendance à catalyser un changement rapide
dans toute la région. Une autre chose à garder à l’esprit est que les
États-Unis sont la seule puissance extérieure capable de guider le cours
des événements ici parce que l’étendue de l’influence russe dans les
Balkans a été largement exagérée. Moscou exerce beaucoup plus
d’influence énergétique et industrielle que politique. Quant à la Chine,
elle ne se préoccupe que de la sécurité de ses routes commerciales et
de ses centres logistiques. Seule l’Amérique dispose des moyens
militaires de renseignement pour apporter des changements tangibles dans
la région, et tout ce qu’elle cherche à faire à cet égard profitera à
ses alliés de l’UE et à l’OTAN.
Andrew Korybko est le commentateur politique
américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en
troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime
(2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de
la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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