Article original de James Howard Kunstler, publié le 4 Avril 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
«Il dit vraiment ce qu’il pense.»
Voilà l’explication standard pour l’ascension politique étonnante de
Donald J. Trump. D’une certaine manière, les médias d’information ont
mal compris le sens de cette phrase: c’est que le reste de l’Amérique
politique refuse de dire vraiment ce qu’il pense. Pourquoi cela, et
comment est-ce possible?
La réponse simple: ils ont peur des
répercussions à la télévision. Une simple erreur commise par votre
langue, et vous êtes politiquement crucifié, fini, mis à la poubelle.
Le secret de Trump est que chaque erreur qui sort de sa bouche à
échappement libre – et de l’hypothétique cerveau qui lui est connecté –
souligne et célèbre sa libération de cette peur. Trump est comme le fameux Ratel : il fonce sans réfléchir.
Il avance juste en traversant tous les pièges, morsures, piqûres,
claquements, jappements, coups bas, oppositions toxiques dans son voyage
tenace vers LE prix [la Maison Blanche, NdT]. Comme Trump pourrait le dire: ils l’aiment et il les aime (pour cela).
La réponse moins simple: l’Amérique est
devenue une matrice de rackets fondés sur la fraude, l’escroquerie et
l’extorsion de fonds, qui ne peut se soutenir que par des mensonges, qui
eux-mêmes forment l’armature qui permet tout ce racket. Cela explique
l’un des mystères centraux du double mandat de M. Obama à la Maison
Blanche: pourquoi son ministère de la Justice n’a-t-il jamais poursuivi
(peut-être même jamais osé enquêter) les inconduites criminelles dans le
secteur bancaire après la débâcle financière de 2008 ?
La Sainte Trinité de la fraude bancaire, Rubin, Geithner et Summers,
se sont fendu d’un coup de fil le lendemain du scrutin et lui ont dit: «Regarde par ici, mon salaud: un seul faux mouvement de ta part vers nos amis qui font l’œuvre de Dieu [référence au mot de Lloyd Blankfein, Pdg de Goldman Sachs, NdT], et tout le château de cartes tomberait par terre.»
Ainsi, Obama a nommé le trio à des postes d’autorité et de conseil, et
le racket a repris sans entraves – pour le plus grand malheur du bien
commun.
Les enjeux étaient apparemment trop abscons à comprendre pour le
public, donc ils ont seulement géré les affaires courantes, jusqu’à la
prescription des faits et même au-delà. Bien sûr, le problème avec les
opérations basées sur des mensonges, est que tôt ou tard la réalité
s’invite avec toute sa colère implacable, et vous obtenez une correction
puissante impossible à ignorer. Cela risque de faire partie du don du
destin à Barack Obama. Il sortira de la façon dont il est arrivé : au
milieu d’un maelström financier.
Comme exemple de dommages collatéraux de tout ce filtrage de
la réalité, notez une des conséquences des taux d’intérêt zéro (une
escroquerie visant à soutenir les banques Too Big To Fail):
les gens ordinaires, après leurs années de travail, ne peuvent plus
gagner de revenu à partir des moyens traditionnellement sûrs pour le
faire: les comptes d’épargne, les certificats de dépôt et les
obligations. En raison de mon âge avancé, je reçois de vastes et
constantes rafales de mails d’une association appelée AARP, prétendant
être l’American Association of Retired Persons. (Je ne prétends pas
avoir eu l’intention de prendre ma retraite, en passant.) Pas un de ces
messages incessants ne mentionne les préjudices causés par les taux
d’intérêt à zéro sur les personnes aux moyens modestes, au-delà de leurs
années d’activité, et désespérées de s’en sortir. Si elles arrivent à
avoir, disons, trente-huit mille dollars d’économies, elles ne peuvent
pas en retirer suffisamment de revenus pour payer leur ration annuelle
d’ibuprofène. En effet, AARP ne représente pas les enjeux de ce groupe
de personnes. AARP est un racket à l’assurance. AARP est une mascarade
conçue pour démembrer les actifs de ces malheureux.
C’est pour le moins ironique que l’antidote à la pandémie de mensonge
en Amérique, soit un promoteur immobilier tordu et magnat des casinos,
Trump. Son grand atout, avec sa bouche à échappement libre, devient un
argument essentiel dans l’arène politique, pour balayer le personnel
politique sclérosé accumulé depuis quatre générations et assez chanceux
pour avoir vécu dans un monde qui a permis brièvement à des contes de
fées de passer outre les lois de la physique et de la nature humaine. Ce
dont nous devrions vraiment nous soucier, est ce qui suivra Trump, les
circonstances terribles et le casting encore inconnu des personnes qui
auront à se débattre avec elles.
James Howard Kunstler
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