vendredi 1 mars 2019

Les Futurs se trompent

Article original de James Howard Kunstler, publié le 11 février 2019 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


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C’est ainsi que le Parti démocrate a hissé le drapeau du « socialisme » sur le mât d’artimon de sa carcasse en train de se désintégrer alors qu’il met le cap sur le bout du monde. Mauvaise décision d’un vaisseau sans capitaine, et je vais vous dire pourquoi. Le socialisme a été la réponse à un ensemble particulier de circonstances dans le temps qui ont conduit à l’essor des sociétés industrielles. Ces circonstances s’en vont, s’en vont, … s’en sont allées.





La suspicion des terribles effets de l’industrie sur la condition humaine a d’abord éveillé l’imagination du public avec le poème « Jérusalem » de William Blake en 1804 et sa référence aux « dark satanic mills/maudites filatures » nouvellement construites en Angleterre. L’industrie à grande échelle a bouleversé la vie quotidienne dans l’« Occident » euro-américain au milieu du XIXe siècle et a introduit un nouveau type de misère pour les masses, sans doute pire que leur ancien statut de paysans.

Et c’est ainsi que, par l’intermédiaire de Karl Marx, Lénine et le reste du gang, il fallait toujours adopter une stratégie pour atténuer d’une certaine façon toutes ces souffrances. Leur grande idée était que si le gouvernement possédait l’industrie (les moyens de production), alors les richesses seraient réparties également entre les masses laborieuses et la misère éliminée. Vous ne pouvez pas les blâmer d’avoir essayé, mais vous pouvez les blâmer d’avoir tué des dizaines de millions de personnes qui, d’une manière ou d’une autre, se sont mis en travers de leur route.

Personne n’avait jamais rien vu de tel que cette industrie auparavant, ou n’avait eu à trouver un moyen d’y faire face, et c’était une force tellement énorme dans la vie quotidienne par la suite qu’elle a brisé les relations humaines avec la nature et la planète qui l’a vu naître. Bien sûr, l’histoire de tout chose a un début, un milieu et une fin, et nous sommes plus près de la fin de l’histoire industrielle que du milieu.

Ce qui ouvre la porte à un grand dilemme. Si la société industrielle se désintègre (littéralement), qu’est-ce qui prend sa place ? Beaucoup supposent qu’il s’agit d’une utopie robotique alimentée par un jus cosmique encore inexploité, un nirvana d’algorithmes, aboutissant à un orgasme sans fin (le transhumanisme de Ray Kurzweil). Personnellement, je cocherais la case « non » sur ce résultat comme scénario probable.

Les socialistes autoproclamés voient le monde à travers un rétroviseur. Ce dont ils parlent en réalité, c’est du partage de la richesse accumulée antérieurement, qui sera bientôt révolue. L’entropie, c’est avoir une approche tordue de cette richesse, d’abord en la transmogrifiant sous des formes de plus en plus abstraites, puis en la dissipant comme un déchet sur toute la planète. Bref, la prochaine fois que le socialisme sera utilisé comme outil de redistribution de la richesse, nous découvrirons malheureusement que la majeure partie de cette richesse a déjà disparu.

Le processus sera désagréablement cinglant et désorientant. L’Occident, en particulier, ne saura pas ce qui l’a frappé, alors qu’il se réorganise en urgence en quelque chose qui ressemble au féodalisme de l’ancien temps. Nous avons un nouveau type de misère de masse en Amérique : beaucoup de gens qui n’ont rien à faire, aucun moyen de subsistance, et des notions des plus légères concernant d’éventuels buts dans la vie. Les socialistes n’ont pas de réponses pour eux. Ils ne seront pas « recyclés» dans une croisade fédérale imaginaire pour transformer les accros de la méthamphétamine en développeurs pour Google.

Quelque chose que les analystes appellent « récession » traverse le paysage comme l’une de ces sombres et majestueuses tempêtes de poussière des années 1930, mais cette fois-ci, nous ne serons pas en mesure de combattre à nouveau dans quelque chose comme la Seconde Guerre mondiale pour remettre toutes les machines en marche au lendemain de cette catastrophe. Bien entendu, la fantaisie de « Rendre sa Grandeur à l’Amérique » ne fonctionnera pas non plus pour ceux qui attendent dans les ruines sordides de la « ceinture de rouille » post-industrielle ou dans les centres commerciaux désertés de la « ceinture de soleil ».

La plupart des croyances et des attitudes d’aujourd’hui seront renversées par la disparition de l’orgie industrielle, comme l’idée que l’humanité suit un arc infaillible de progrès, que les hommes et les femmes sont interchangeables et peuvent faire exactement le même travail, que la société ne devrait pas être hiérarchique, que la technologie nous sauvera, et que nous pouvons organiser certaines solutions politiques pour éviter la douleur de la contraction universelle.
Il n’y a pas d’idées cohérentes dans l’arène politique à l’heure actuelle. Nos perspectives sont vraiment trop alarmantes. Alors, montez à bord du navire socialiste et voyez si cela vous fait vous sentir mieux de naviguer jusqu’au bout du monde. Mais attention à rester à distance du bord du gouffre. C’est un doozy.

Too much magic : L'Amérique désenchantée 

James Howard Kunstler

Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

Liens

Dedefensa : Le monde est fou car il est en feu

Poème de William Blake (1757 – 1827)

Jérusalem

Ces pieds ont-ils jadis
Marché sur les vertes montagnes d’Angleterre ?
A-t-on vu le saint agneau de Dieu
dans les doux pâturages d’Angleterre ?
Et le divin visage
A-t-il brillé sur nos brumeuses collines?
A-t-on édifié ici Jérusalem
Au milieu de ces maudites filatures
Apportez mon arc d’or brûlant
Apportez les flèches de mes désirs
Apportez ma lance. Brumes !
Apportez mon chariot de feu.
Je n’arrêterai pas mon combat intérieur
Et mon épée ne dormira pas dans ma main
Tant que nous n’aurons pas édifié Jérusalem
Sur la verte et douce terre d’Angleterre.

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