Article original de Andrew Korybko, publié le 28 avril 2021 sur le site One World
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
La décision de la Russie de dresser une liste des États inamicaux dont les missions diplomatiques se verraient interdire d’embaucher des ressortissants locaux et seraient peut-être soumises à d’autres restrictions aurait dû être prise depuis longtemps. Elle montre que le pays prend enfin la nouvelle guerre froide très au sérieux, environ sept ans après son déclenchement.
La porte-parole du ministère des affaires étrangères, Maria Zakharova, a confirmé que les États-Unis figureront sur cette liste d’États inamicaux, mais il reste à savoir quels autres pays seront désignés comme tels à leurs côtés. Quoi qu’il en soit, cette décision aurait dû être prise depuis longtemps et montre que la Russie prend enfin la nouvelle guerre froide très au sérieux, environ sept ans après son déclenchement. L’approche antérieure consistait à désigner tous les pays, même les adversaires évidents, comme des « partenaires » afin de conserver un certain « professionnalisme » dans leurs relations. L’adhésion de la Russie aux normes diplomatiques classiques n’a cependant pas été suivie par les États-Unis, qui ont continué à déclarer ouvertement que la Russie était un rival, voire un ennemi pur et simple. L’ambiance diplomatique ne s’est jamais rétablie, malgré tous les vœux de la Russie.
Les quatre dernières années du règne de l’ancien président Trump restent une déception majeure dans l’esprit de nombreuses personnes à Moscou qui espéraient qu’une « nouvelle détente » aurait été négociée entre eux à ce jour. Malheureusement, des éléments subversifs des bureaucraties permanentes de l’armée, du renseignement et de la diplomatie du pays (« État profond« ) ont réussi à saboter la politique étrangère du chef d’État élu à cet égard, ce qui a ruiné les relations bilatérales et préparé le terrain pour que le président Biden les aggrave encore récemment. Il est donc opportun que la Russie recalibre enfin sa position diplomatique à l’égard des États-Unis et de leurs mandataires en l’alignant sur les nouvelles normes que ces derniers lui ont imposées pendant tout ce temps. Même si les médias grand public vont probablement présenter cette décision comme une « agression non provoquée », il s’agit en fait d’une réponse légitime à l’agression américaine.
L’importance de la décision de la Russie de désigner certains pays comme des États inamicaux et d’imposer ensuite diverses restrictions à leurs activités diplomatiques laisse penser que l’état actuel de tension entre la Russie et l’Occident restera la « nouvelle normalité » pendant un temps indéterminé. Aucune des deux parties n’est susceptible de revenir sur sa position à l’égard de l’autre, chacune étant convaincue du bien-fondé de ses actions, pour le meilleur (comme dans le cas de la Russie) ou pour le pire (comme dans le cas des États-Unis). La récente expulsion de diplomates russes en Tchécoslovaquie et dans plusieurs autres pays montre à quel point cette guerre « d’État profond » entre les deux pays est devenue sérieuse. S’il y a une lueur d’espoir dans cette situation, c’est que la Russie pourrait enfin commencer à endiguer activement l’Amérique, conformément au plan en 20 points que j’ai suggéré en février, ce qui améliorerait considérablement sa résistance à la guerre hybride.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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