Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Le cerveau humain est la chose la plus complexe que nous connaissons dans tout l’univers. Il est également fragile et sujet à des dysfonctionnements. Une civilisation est aussi un système complexe, fragile et sujette à des dysfonctionnements. Peut-être que certaines affections du cerveau humain, comme la maladie d’Alzheimer, ont leur équivalent au niveau de la civilisation.
Mes parents étaient mariés depuis 58 ans quand ma mère est morte. Ce fut une perte terrible pour mon père, alors âgé de 86 ans, et j’étais bien inquiet pour sa santé. Mais je fus soulagé quand je vis qu’après quelques mois, il semblait avoir récupéré du choc. Il est resté actif et il pouvait gérer sa vie quotidienne sans assistance spéciale. Il pouvait prendre le bus, seul, et marcher seul dans le quartier. Il s’est même fait de nouveaux amis et a passé du temps avec eux.
Cependant, quelque chose n’allait pas avec mon père. Vraiment pas du tout.
Je me souviens d’une conversation que mon père a eue, à un moment donné, avec mon fils, à propos de certaines plantes qui poussaient sur une pente raide du jardin. Il voulait les couper et mon fils, qui est géologue, a essayé de lui expliquer que ce n’était pas une bonne idée; les racines de ces plantes maintenaient la stabilité du sol en pente. Mais mon père n’était pas d’accord et il a insisté qu’il voulait se débarrasser de ces plantes. Je regardais cette conversation, de plus en plus inquiet, tandis que mon père élaborait toutes sortes d’arguments pour contrer ceux de mon fils. Sautant d’un sujet à l’autre, il était capable de déplacer la conversation dans un cycle; sans jamais vraiment répondre sur un point quelconque, mais toujours en passant à autre chose. Cela a duré peut-être pendant une heure et s’est terminé avec mon père n’ayant pas bougé d’un pouce de sa position, mon fils et moi nous regardant, perplexes.
Cette conversation a été la première preuve de l’apparition de la maladie d’Alzheimer pour mon père. A cette époque, je ne comprenais pas vraiment cela, surtout parce que je ne voulais pas. Mais les symptômes n’ont fait que se renforcer jusqu’à ce que mon père meure à 92 ans, son esprit ayant disparu. Néanmoins, pendant quelques années, il a réussi à très bien cacher les symptômes de son déclin mental. Il était à la fois intelligent et brillant, et il avait développé toutes sortes de stratégies pour éviter de se trouver lui-même pris au piège dans une situation qui montrerait son problème. Il se sortait des ennuis par une plaisanterie, un commentaire plein d’esprit, une boutade humoristique, ou tout simplement en changeant sujet.
Mais mon père pouvait s’en sortir avec son problème seulement avec ses amis. Pour les membres de sa famille, son état était évident. Peut-être que vous connaissez la métaphore du fantôme dans la machine; elle dit qu’il y a un petit fantôme dans le cerveau ou quelque part ailleurs, qui contrôle cette grande machine qu’est le corps humain. Ce fantôme n’était plus à l’intérieur de mon père. Il devint peu à peu quelque chose comme un répondeur, très sophistiqué certes, mais une machine. Il était comme un de ces programmes informatiques qui visent à simuler l’intelligence humaine. Il était en mesure de parler aux gens, et même de leur répondre d’une manière qui semblait superficiellement correcte. Mais, comme un répondeur, il n’était pas vraiment à l’écoute, le fantôme avait disparu.
Cette histoire ancienne m’est revenue à l’esprit alors que je lisais un article de David Dunning, intitulé Le caprice psychologique qui explique pourquoi vous aimez Donald Trump. Peut-être connaissez Dunning, qui est à la base de l’effet Dunning-Kruger, une caractéristique de l’esprit humain qui rend les gens convaincus qu’ils sont compétents sur un sujet, et qui fait que plus ils sont convaincus, moins ils en savent à propos de ce sujet. Alors bien sûr, l’effet Dunning-Kruger n’est pas la même chose que la maladie d’Alzheimer, mais dans son article, Dunning met en évidence le fait qu’il y a un problème mental avec de nombreuses personnes engagées dans le débat politique. Je pense qu’il dit vrai. Un tel problème existe.
Quand je lis ou entends les déclarations de Donald Trump, je ne peux pas éviter de penser à cette conversation malheureuse quand mon père a tenté de convaincre mon fils de supprimer ces plantes dans le jardin. C’est le même genre d’échange : des gens qui semblent seulement en train de débattre, mais qui ne semblent vraiment pas se comprendre. Dans les déclarations politiques de Donald Trump, je vois cette même façon dont mon père réagissait au cours des premières étapes de la maladie. Les mêmes déclarations non étayées, prises au hasard, la même certitude absolue, assenée par quelqu’un qui, vraiment, n’a aucune idée de ce dont il parle.
Cela ne signifie pas que je peux dire que Donald Trump a la maladie d’Alzheimer. Cela se pourrait, et d’autres semblent avoir remarqué qu’il y a quelque chose qui a mal tourné dans la façon dont il se comporte. Mais il n’y a pas moyen de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer avec certitude quand elle en est à ses premiers stades. Cependant, le problème n’est pas spécifique à Donald Trump. Non; cette sensation de discuter avec un malade Alzheimer me vient souvent à la suite d’une discussion politique, dans les médias ou dans les commentaires d’un blog ou sur les médias sociaux. Le débat ne semble pas se dérouler entre gens qui s’écoutent les uns les autres. Au contraire, il semble n’être qu’une suite de déclarations à l’autre interlocuteur, comme si elles n’étaient que des balles de tennis. Pensez aux joueurs de tennis : ils ne sont pas intéressés par la couleur de la balle, ils jouent avec pour l’envoyer à leurs adversaires aussi vite que possible. Donc, dans ces débats, les gens ne semblent pas être intéressés par le sens de ce qui leur est dit, mais seulement de renvoyer quelque chose en retour à leurs adversaires aussi vite que possible.
Connaissez-vous cette tactique politique appelée le Gish Gallop? Elle consiste à noyer un adversaire dans un torrent d’arguments, l’un après l’autre, sans tenir compte des contre-arguments. Elle peut être utilisée par des gens parfaitement sains d’esprit, mais, en même temps, c’est la stratégie idéale pour cacher sa maladie mentale. Elle décrit très bien la stratégie que mon père utilisait à cette fin. Donc, ces gens que nous appelons les trolls, sont-ils tout simplement méchants, ou sont-ils malades? Combien de personnes à des postes de haut niveau pourraient être affectées par la maladie d’Alzheimer et pourtant être assez intelligentes pour en cacher les premiers symptômes? Nous avons déjà eu un président, Ronald Reagan, qui peut avoir été dans un stade précoce de la maladie d’Alzheimer au cours de la dernière période de sa présidence. Cela peut ne pas avoir causé de gros problèmes, mais n’avez-vous pas la sensation que le monde est gouverné par des personnes touchées par une forme de démence?
Serait-ce que nous souffrons d’une maladie de civilisation de type Alzheimer? Cela expliquerait pourquoi la civilisation ne parvient jamais à faire quelque chose d’utile concernant les terribles menaces, et tout d’abord, le changement climatique. Peut-être qu’il n’y a vraiment pas de fantôme dans la machine que nous appelons la civilisation. C’est une machine géante qui trébuche tout en discutant avec elle-même dans une querelle sans fin qui ne mène nulle part.
Note de l’auteur
Mon père, Giuliano Bardi (1922-2014) était un architecte et un professeur de lycée. En tant qu’architecte, il n’a pas eu la chance de construire de nombreuses structures, mais celles qu’il a construites montrent une propreté des lignes typique de l’école moderniste de l’architecture. Il a conçu et construit la maison où il a vécu jusqu’à sa mort et où sa famille vit encore aujourd’hui. Je me souviens de lui pour son esprit aigu de l’observation, qui lui a permis de découvrir des détails insoupçonnés sur quoi que ce soit. Il était aussi un brillant professeur, très aimé par ses élèves. C’est ainsi que lors de ses funérailles, beaucoup d’entre eux se sont souvenus de lui pour venir lui dire adieu une dernière fois.
Ugo Bardi
Note du traducteur
Ugo nous gratifie encore d'une pépite avec cet article puisant dans la connaissance accumulée pour nous éclairer, nous aider à construire nos propres grilles de lecture des évènements. C'est en plus quelqu'un de très correct dans ses relations, car il a toujours répondu à mes sollicitations concernant des éclaircissements sur des points de traduction, alors qu'il sent bien mes réticences sur le sujet climatique à propos duquel nous avons eu quelques échanges. Je ne traduis pas ou peu les articles concernant ce sujet pour une raison simple que j'avais tentée de lui expliquer.
Comment peut-on accepter un message aussi alarmiste sur le climat, venant de dirigeants qui mentent comme des arracheurs de dents sur tout le reste? Cela me paraissait un argument raisonnable et j'ai eu la surprise de le voir me répondre avec un message cryptique sur les différentes formes de "Mal" ("Evil"). Avec tout le respect que j'ai pour lui, a-t-il voulu changer de sujet? Est-ce un Alzheimer précoce?
Je vous laisse avec cette petite vidéo d'Aldo Sterone qui sort pour une fois de l'analyse de l'islam pour parler précisément au sujet du changement climatique. Il part des faits, en l'occurrence des déclarations de ces mêmes dirigeants ou assimilés, et les faits sont têtus.
Ugo Bardi ne lira jamais mon commentaire ; mais faisons comme-ci ^^
RépondreSupprimerQuand on commence à faire des analogies basées sur des intuitions et des rapprochements factuels issue d'une observation personnelle et unique, on est tout proche de la "solution finale".
Quand Trump dénonce et démontre les multiples comportements aberrants et contradictoires de Mme Clinton (elle dénonce les financiers qui financent sa campagne, elle s’emmêle les pinceaux sur ses positions sociétales, elle a soutenu l’agression du moyen-orient globalement, ...) ; bref, tout cela doit provenir de ma psyché en passe de se transformer en Alzheimer ...
Le monde se radicalise, c'est ainsi et on le constate dans le monde entier, enfin, le monde occidental.
Mais peut-être que la glorification de l'égo, du désir immédiat, de la perte des repères historiques et du chaos environnemental, pousse certain à poser une analyse psychiatrique sur un simple désir de refus.
Nous n'y répondrons pas dans cet article, moi je dis juste "méfie toi de ceux qui te désignent comme malade, un jour prochain ils proposeront de "soigner" tous les malades ..."
Reality