lundi 18 février 2019

Entrée en scène

Article original de James Howard Kunstler, publié le 1 février 2019 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr



Kamala Harris – Howard Schultz

Howard Schultz avait l’air d’être un type assez sympa à l’émission 60 Minutes de CBS la semaine dernière. Le maestro des projets de logements sociaux de Brooklyn n’est pas un Golem d’Or de la Grandeur mais, hélas, il se trouve qu’il s’agit d’un homme blanc, ce qui signifie qu’il est une micro-agression ambulante. Et il a informé l’auditoire qu’il est de croyance hébraïque, ce qui a dû provoquer une fugue d’hystérie chez ceux qui croient que les Juifs ont mis l’économie mondiale sous l’éteignoir pour une future célébration apocalyptique de Hanoucca.




D’une certaine façon, il parle de bluff au sujet des politiques identitaires. Les Démocrates qui, pour l’instant, restent un parti politique majeur, sont absolument déterminés à mettre une femme à la Maison-Blanche parce que les hommes ont fait du monde une planète en déroute qui ne peut être réparée qu’avec un régime politique basé sur le partage et la compassion. Les Démocrates voudraient enfoncer un pieu dans les gonades offensives [jeu de mot avec Grenades , NdT] de M. Schultz. Comment ose-t-il ! Ne sait-il pas que son ticket indépendant pour les élections de 2020 volera les votes de la candidate « C’est son tour à moi », qu’elle qu’elle soit, et qu’il en résultera la réélection de cet aimant à merde posté au bureau ovale tournant à la coke sans sucre ? ( !)

La sénatrice Kamala Harris de Californie est la mieux placée sur la route de l’élection pour le moment. Je soupçonne qu’avec son lasso elle va faire mordre la poussière à Elizabeth Warren, Kirsten Gillibrand et à la féministe honoraire Cory Booker avant que les premiers débats ne soient terminés. Mme Harris est une personnalité formidable. On a pu le voir lors des interrogatoires qu’elle a menés au cours des audiences du comité sénatorial au cours des dernières années. Elle aime à croquer ces gens de rien, assis en bas, à la barre des témoins avant de les recracher. Elle vient d’une famille de scientifiques et d’économistes et a eu une brillante carrière qui lui a permis de traiter de nombreuses questions juridiques délicates dans la galerie des glaces politiques de la Californie. Je n’ai aucun doute qu’elle est intelligente et qualifiée.

Mais je doute que quiconque puisse prêter serment le 20 janvier 2021. Le problème des problèmes (et il y en a beaucoup) est que l’Amérique a emprunté beaucoup d’argent juste pour garder le système debout – l’économie basée sur la consommation ; les banlieues ; les pensions généreuses ; l’agro-industrie ; les soins de santé, l’enseignement supérieur… ce genre de choses. La raison pour laquelle nous avons usé de ces artifices comptables : la garantie pour nos prêts a disparu. Oh ? C’était quoi cette garantie ? C’était la promesse d’une croissance économique future, et plus particulièrement d’une croissance industrielle qui produisait de la vraie marchandise et de la vraie richesse. Nous l’avons mis sur un bateau pour la Chine il y a quelques années et l’avons remplacé par la financiarisation, qui est un jeu de bonneteau colossal qui produit beaucoup « de monnaie » sans produire de richesse. Pire encore, la financiarisation a détruit les indices qui tenaient compte de la mesure de la richesse réelle, ou capital, et les a remplacé par de la fraude comptable, de sorte qu’il est très difficile de voir les dommages.

En résumé, les États-Unis ne sont plus un emprunteur solvable. Si les USA cherchaient une voiture, ils devraient se contenter d’une Jeep Cherokee de 14 ans posée sur la pelouse de quelqu’un avec une pancarte collée sur le pare-brise qui dit « Prêt à rouler ! » Bien sûr, l’Amérique parviendra toujours à magouiller pour s’auto-solvabiliser – ce qui se produit lorsque la Réserve fédérale achète des obligations au Trésor américain – mais une croissance réelle future en garantie aura disparu, le piège est que l’argent lui-même disparaîtra à mesure que le dollar perdra de sa valeur. C’est la façon dont la nature cherche l’équilibre.

Les deux dernières années du règne du Golem d’Or seront l’aboutissement de cette dynamique. Le pauvre M. Trump gémira et gémira encore dans ce goudron de ruine fiscale comme un géant condamné tandis que les tigres à dents de sabre rôderont dans les plaines d’armoise autour de lui. Soyons réalistes : il a rempli sa mission. Il a brouillé les cartes. Il a donné des gages aux bonnes personnes. Il a révélé toutes les fissures de notre vie nationale en voie de désintégration. Plus concrètement, il a quand même modifié la composition de la cour fédérale. Ainsi, lorsque Kamala Harris découvrira à son tour l’horrible situation financière du syndicat, les tribunaux bloqueront ses plans les plus ambitieux visant à dépouiller les actifs restants du pays pour que le gouvernement américain puisse continuer à faire tourner la machine à tout prix. C’est-à-dire, faire des États-Unis un paradis où tout est gratuit.

Mais Howard Schultz fout tout en l’air. Voyez en lui une autre sorte de Golden Golem de la Grandeur. Il séduira beaucoup d’électeurs à la recherche d’un papa rassurant. Il réalise le fantasme de ce qu’un homme d’affaires qui n’appartient pas au sérail pourrait apporter au jeu sans tout le bagage puant de M. Trump. Il est aussi possible qu’il ne s’effraie pas facilement, et que le spectacle des griffes et des crocs sortis jusqu’à présent du côté « progressiste » des choses soit un signe intéressant de faiblesse chez ses adversaires.

Too much magic : L'Amérique désenchantée

James Howard Kunstler

Pour lui, les choses sont claires, le monde actuel se termine et un nouveau arrive. Il ne dépend que de nous de le construire ou de le subir mais il faut d’abord faire notre deuil de ces pensées magiques qui font monter les statistiques jusqu’au ciel.

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