Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
La Suède et le Danemark sont deux pays nordiques parlant des langues similaires, partageant beaucoup de leur culture et de leur histoire commune. Mais ils ont suivi des approches très différentes pour gérer la pandémie du Covid-19. Le Danemark a été parmi les premiers en Europe à fermer les écoles, les restaurants et d’autres entreprises comme les salons de beauté. La Suède, en revanche, a permis aux entreprises de rester ouvertes et aux déplacements dans la rue de se poursuivre sans entrave. Ces deux pays nous offrent donc une expérience naturelle pour étudier l’efficacité du verrouillage dans la lutte contre le coronavirus. Cette question est très importante, car le confinement est extrêmement perturbateur, tant sur le plan social qu’économique.
Actuellement, la situation semble mauvaise pour la Suède. Le nombre de décès dus au coronavirus pour 100 000 habitants est environ trois fois plus élevé qu’au Danemark. Voici un bon résumé – bien que datant d’une semaine – des données disponibles : la Suède affirme que son approche en matière de coronavirus a fonctionné. Les chiffres suggèrent une autre histoire.
Bien sûr, la Suède et le Danemark, malgré leurs fortes similitudes, diffèrent à certains égards. C’est un problème avec les expériences naturelles. Par exemple, la densité de population du Danemark est beaucoup plus élevée que celle de la Suède. Mais cela devrait rendre l’épidémie du Danemark plus difficile à contrôler, donc cette considération ne fait que renforcer la conclusion qu’un manque de confinement a nui à la Suède. En Norvège et en Finlande, qui, comme le Danemark, se sont confinés, mais dont la densité de population est comparable à celle de la Suède, les taux de mortalité ont été encore plus faibles qu’au Danemark, ce qui rend le contraste avec la Suède encore plus frappant.
Pourtant, une comparaison des taux de mortalité, bien qu’utile, ne permet pas vraiment de répondre à la question la plus importante : dans quelle mesure la Suède et le Danemark ont-ils réussi à faire baisser le taux de propagation de l’épidémie ? Après tout, une chose que nous avons apprise récemment est que les taux de mortalité pour 100 000 habitants diffèrent considérablement d’un pays à l’autre, bien plus que prévu, et nous ne savons pas pourquoi. Il convient donc de comparer directement les taux de transmission des maladies et le taux de croissance exponentiel de l’épidémie qui en résulte.
Il y a un mois, dans le cadre de l’initiative du CSH-Vienne sur le Covid-19, j’ai développé une approche basée sur un modèle pour analyser les trajectoires épidémiques, voir ici : Quelle est l’efficacité des mesures de santé publique pour stopper le Covid-19 ?
Voyons donc ce que cela nous apprend sur la Suède par rapport au Danemark.
Examinons d’abord le Danemark. La plupart des graphiques ci-dessous sont explicites. Des graphiques (a) à (f), les données sont indiquées par des points, et la trajectoire du modèle est indiquée par les courbes. Les parties intéressantes se trouvent dans le niveau inférieur. Ainsi, le bêta(t), dans le graphique (g), montre comment le taux de transmission de la maladie a réagi au confinement. Il a commencé à un niveau assez élevé, autour de 0,3, ce qui signifie que le nombre de personnes infectées a augmenté de 30% chaque jour. Après le 15 mars, il est tombé à 0,1, et a progressivement diminué de moitié, bien qu’avec des fluctuations. Dans le graphique (h) delta(t) est le taux de mortalité dont je parlerai un peu plus tard. Le plus intéressant est le graphique (i) r(t). C’est le taux d’augmentation exponentiel. L’objectif est de le ramener en dessous de 0 et à ce moment-là, l’épidémie commence à se résorber. Le Danemark y est parvenu le 15 avril. C’est une bonne nouvelle.
Danemark
Voyons maintenant la Suède :Suède
La dynamique suédoise est étonnamment similaire à celle du Danemark. On a également constaté une baisse rapide du taux de transmission, bêta(t), dès le 15 mars, mais pas aussi profonde qu’au Danemark. Après cela, le bêta a continué à baisser, mais encore une fois, plus lentement qu’au Danemark. En conséquence, le taux exponentiel de croissance de la maladie, graphique (i), s’est approché trèèès lentement du niveau zéro et ne l’a touché qu’hier et nous ne savons pas encore si cela va se maintenir.Le verdict semble donc clair, bien qu’il ne soit peut-être pas aussi tranché qu’on pourrait le penser. L’approche du Danemark a clairement fonctionné, mettant rapidement fin à l’épidémie dans ce pays. Mais la Suède n’a pas fait aussi mal que je l’imaginais. D’une manière ou d’une autre, malgré l’absence de mesures de confinement, elle a fait baisser le taux de transmission.
Examinons maintenant les taux de mortalité. Notez qu’il ne s’agit pas de taux de mortalité pour 100 000 personnes, qui confondent deux processus : quelle proportion de la population est infectée et quelle proportion des personnes infectées meurt. Il s’agit seulement d’un regard sur e second cas.
De manière surprenante, nous constatons que pendant la majeure partie du mois d’avril, les patients atteints de coronavirus en Suède avaient près de deux fois plus de chances de mourir qu’au Danemark. Je vais proposer une explication possible ci-dessous, mais il est clair que cela a contribué assez largement à la différence entre les taux de mortalité pour 100 000 en Suède et au Danemark.
J’ai commencé cette analyse en espérant démontrer un soutien clair à la sagesse du confinement. Ne vous y trompez pas, je continue d’être un fervent partisan du confinement complet comme étant la meilleure méthode actuellement disponible pour contrôler la pandémie de coronavirus. Dans ma vie personnelle, ma préférence va sans aucun doute à une douleur aiguë tout de suite pour résoudre un problème à long terme. Conformément à cette philosophie, je pense que nous devrions mener le Coronavirus vers l’extinction.
Mais en science, il faut mettre de côté ses préférences personnelles. Il s’avère que la comparaison entre la Suède et le Danemark présente certaines complexités cachées que nous ne devrions pas ignorer. Revenons sur la différence de delta, le taux de mortalité. S’il est correct, alors il affaiblit les arguments en faveur d’un confinement complet. D’autre part, la Suède a testé une proportion beaucoup plus faible de sa population pour le virus. Et si le taux de mortalité élevé résultait d’un plus grand nombre de personnes infectées inconnues ? C’est le genre de question complexes à laquelle il faut répondre.
Peter Turchin
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