lundi 23 mai 2016

Aux limites

Article original de James Howard Kunstler, publié le 16 Mai 2016 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr




Si le ministère de la Justice d’Obama était vraiment honnête au sujet de ses orientations en matière de toilettes transgenres, il aurait indiqué clairement l’obligation de fournir une nouvelle, et distincte, troisième catégorie de toilettes ou des vestiaires pour les personnes qui s’identifient comme transgenre. Cela aurait donné à ces personnes un endroit sûr, privé, pour leurs besoins biologique sans que les deux autres catégories de personnes, hommes et femmes, soient mal à l’aise.


En fait, une telle troisième option existe déjà dans de nombreux lieux publics : les toilettes pour handicapés. Celles-ci pourraient facilement être rebaptisées «personnes à mobilité réduite et transgenres» – leur principale caractéristique étant qu’elles ne permettent une occupation que par une personne à la fois, ce qui évite tout effet sur les autres. Et il ne serait pas nécessaire d’envisager une rénovation coûteuse des bâtiments publics.

Mais non, le ministère de la Justice de M. Obama a décidé de créer un antagonisme envers un grand nombre d’hommes et de femmes, en les forçant à fréquenter les personnes transgenres, menaçant de retirer le financement des écoles fédérales si elles ne permettaient pas aux personnes à la sexualité ambiguë d’utiliser les toilettes où elles se sentent le mieux.

Cela révèle la fantastique certitude béate de la gauche politique, supposant que des questions telles que la nature du comportement transgenre soit bien comprise et tranchée – par exemple, que le transgenre est en réalité une véritable catégorie sexuelle plutôt qu’un trouble psychologique, un problème de développement, une mode extrême ou un fantasme. Je ne suis pas du tout convaincu que tout cela soit réglé, et qu’en dépit de la pensée magique omniprésente des bataillons de la justice sociale il en soit ainsi.

Il devrait être clair, après quelques années d’hystérie de cette justice sociale dans ce pays, que la coercition est maintenant la méthode de choix sur le côté gauche du champ de bataille de la guerre culturelle : vous devez croire ce que nous croyons, ou faire face à une punition. En bon démocrate, déclaré au moment de la guerre du Vietnam, je n’apprécie pas énormément cette approche politique oppressive. J’apprécie encore moins les supposés intellectuels grand public et les leaders d’opinion au sein du gouvernement, du milieu universitaire et des médias, qui vont de pair avec cette conduite despotique – qui inclut de ruiner les moyens de subsistance et la carrière de certains de leurs collègues respectables.

Bien que je ne sois pas généralement favorable à l’extrême droite politique, en particulier à sa branche évangélique qui a adopté des tactiques coercitives et punitives bien avant la gauche, je pense que les gouverneurs de Caroline du Nord et du Texas ont un nouveau cas de ce différend transgenre autour des toilettes, mais j’espère que leurs avocats vont argumenter sur une base autre que celle de la littérature et de la pure obstination boboïste.

Vous avez peut-être remarqué que de plus en plus, nous vivons dans une société où tout va et où rien n’a plus d’importance. Nous y sommes arrivés grâce à l’éradication progressive des frontières, en particulier entre les catégories sociales et les comportements. Certaines personnes trouvent cela exaltant et d’autres trouvent cela inquiétant. J’arrive à croire que l’élimination des frontières n’est pas tout à fait une bonne chose. Nous pourrions probablement bénéficier, je pense, d’avoir davantage de limites plus fermes, plutôt que de les effacer progressivement.

Malgré le fait que beaucoup de gens que j’y associe soient des gens dotés de sens artistique et ayant une inclination progressiste, je ne suis pas en faveur du mariage gay, et j’ai été abondamment couvert d’opprobre pour cela. Considérant ce que je sais, par exemple, sur les conséquences imprévues des rendements décroissants de la technologie, je ne considère pas comme une petite chose de se mêler d’institutions sociales qui sont plus vieilles que l’Histoire. Nous ne savons pas quels sont les effets éventuels du mariage gay sur l’ordre social, pas plus que nous ne savions que les conséquences des Atomes pour la paix seraient Tchernobyl et Fukushima. Les choses se passent dans l’Histoire, car elles semblent être une bonne idée à un moment donné. Puis le temps passe et nous découvrons que ce n’était pas le cas.

J’étais en faveur des unions civiles pour les couples homosexuels, étant donné que les dispositions juridiques des meubles et des biens n’est pas une mince affaire dans un partenariat cassé, comme les questions médicales et la prise en charge des enfants entraînés dans ces partenariats; une méthode d’adjudication était de toute évidence nécessaire. Mais il n’était pas nécessaire de l’appeler mariage. Pourquoi faire cette distinction? Pour la raison fondamentale que toutes les choses et conditions des choses ne sont pas exactement les mêmes. Voilà exactement le problème avec le genre de relativisme extrême qui règne sur la gauche ces jours-ci. Tout est permis.

En fait, je soupçonnais alors et je le pense encore, que la croisade pour le mariage gay relevait plus la recherche d’une approbation officielle par l’État pour le comportement homosexuel, que d’une question juridique. En d’autres termes, il s’agissait de sentiments – qui sont devenus la base de l’argumentation pour pratiquement tout en politique ces jours-ci. Toute personne en désaccord avec ces sentiments a été qualifié d’homophobe et ses idées sur la question ont pu être tout simplement rejetées comme une phobie, une peur terrible, un mauvais sentiment, plutôt qu’une position raisonnée sur le fonctionnement de la société. Je n’étais pas phobique ou craintif au sujet des personnes identifiées comme gay. Mais je ne croyais pas alors, et je n’y crois toujours pas, que nous comprenons parfaitement ce comportement, et que c’est une question réglée – contrairement aux shibboleths du moment.

Le cas est similaire avec les transgenres. Nous prétendons seulement savoir de quoi l’on parle, car cela donne un sentiment confortable de supériorité – que nous sommes de meilleures personnes pour nous en accommoder, parce que la route du progrès humain est toujours vers l’avant, et que nous sommes à la fine pointe de ce voyage vers l’utopie. Je n’achète pas cette histoire, pas plus que je ne crois qu’une installation de vomi en plastique sur le plancher du Whitney Museum puisse être une œuvre d’art autant que Le Déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet.

L’Amérique a un problème de limites et un problème de frontières, qui perturbent à la fois les particuliers et les sociétés. Une caractéristique commune des sociétés en déclin est une préoccupation pour une sexualité hors norme, qui est exposée sans cesse dans cette République dansant le twerk, valorisant et célébrant la subversion sexuelle dans les arts. Le gouvernement Obama rendra un très mauvais service à cette nation en dangereux déclin, en provoquant encore plus la dissolution des frontières sociales, à un moment où nous avons tant d’autres problèmes politiques convergents à combattre.

Telle est la grande contradiction, en passant, de Donald Trump. Il a attiré l’attention de tant d’électeurs, en invoquant le cas de notre frontière brisée avec le Mexique – une frontière politique qui est assez simple à comprendre pour la plupart des citoyens. Mais Trump lui-même fonctionne en fait en brisant les frontières érigées par son propre parti concernant une conduite politique acceptable. Ainsi, Trump incarne parfaitement le pétrin où se trouve notre nation : l’Amérique a une personnalité déviante. Elle est un danger pour elle-même et pour les autres.

James Howard Kunstler

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