Article original de Mary E. Lovely, publié le 8 août 2018 sur le site The New-York Times
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Pour infliger plus de douleur à la Chine, l’administration Trump, la semaine dernière, a augmenté la mise dans sa guerre commerciale. Elle promet maintenant que la prochaine série de droits de douane, sur 200 milliards de dollars d’importations en provenance de Chine, sera taxée à 25% au lieu des 10% annoncés précédemment. Le président Trump exhorte ses partisans pour expliquer que les tarifs douaniers « sont synonymes d’emplois et de grande richesse ».
Si l’emploi et la richesse sont les critères pour « gagner la guerre commerciale », c’est la Chine, et non l’Amérique, qui l’emportera. La Chine ne gagnera pas grâce à la règle du parti unique, bien que cela aide certainement le président Xi Jinping à surmonter les difficultés causées par les tensions commerciales. Au contraire, la Chine gagnera parce qu’elle joue ce jeu avec plus d’habileté. Les droits de douane imposés par les États-Unis seront surtout payés par les entreprises et les consommateurs américains, tandis que la Chine prend des mesures de rétorsion qui atténueront le choc pour les entreprises chinoises, y compris celles qui sont de propriété étrangère.
Pour « gagner » une guerre commerciale dans ces conditions, les États-Unis devraient imposer des tarifs douaniers qui, d’une manière ou d’une autre, nuisent tellement à l’économie chinoise que ses dirigeants améliorent leur traitement de la propriété intellectuelle américaine, une demande de longue date des négociateurs commerciaux américains. La santé de l’économie chinoise dépend de ses exportations vers les États-Unis, de sorte que le gouvernement chinois devrait capituler devant les demandes américaines.
Cette stratégie va certainement se retourner contre nous.
Premièrement, environ 60% des exportations chinoises vers les États-Unis sont produites dans des usines appartenant à des entreprises non chinoises. Beaucoup d’entre elles produisent des objets personnalisés pour les fabricants américains, comme des routeurs informatiques, des luminaires LED et des moteurs de bateaux. Cela signifie que les droits de douane imposés par l’administration Trump à l’encontre de la Chine touchent en fait de nombreuses entreprises américaines (et européennes) qui possèdent des usines en Chine.
Ces entreprises ne peuvent pas réagir immédiatement aux tarifs en délocalisant rapidement leurs activités hors de Chine. Au lieu de cela, elles absorberont la taxe à l’importation ou la répercuteront sur les consommateurs américains sous la forme de prix plus élevés. C’est déjà le cas : un droit de 20 % sur les machines à laver imposé en février a été suivi d’une hausse de 16,4 % sur les prix à la consommation pour ces produits. Par conséquent, la majeure partie des recettes tirées des droits de douane proviendra des poches des consommateurs américains, et non des entreprises chinoises.
La baisse de la demande américaine pour les produits chinois va nuire à la Chine. Les importations américaines de marchandises représentent environ 3 % des recettes manufacturières chinoises. C’est une part assez importante pour que les tarifs douaniers causent un peu de dommages, mais ce n’est certainement pas catastrophique.
En outre, une grande partie de ce que les États-Unis importent de Chine contient de la valeur créée dans d’autres pays, y compris en Amérique. Une grande partie de la valeur d’un iPhone importé de Chine, par exemple, comprend des écrans de Corée du Sud, des puces du Japon et du design et de la programmation des États-Unis. Ainsi, chaque dollar de vente perdu par une entreprise chinoise a un impact inférieur à ce dollar sur l’économie chinoise. En informatique et en électronique, qui représentent la plus grande part des exportations chinoises vers les États-Unis, la valeur ajoutée chinoise pour chaque dollar d’importation est d’environ 50 cents. Par conséquent, il est peu probable que l’effet négatif des droits de douane sur le secteur manufacturier chinois soit suffisamment important pour avoir un impact important sur les pratiques commerciales de la Chine.
Alors que la guerre commerciale s’intensifie, les dirigeants de la Chine semblent avoir renforcé leur engagement envers les chaînes d’approvisionnement internationales. C’est le contraire de l’administration Trump, qui semble vouloir isoler les fabricants américains.
Par exemple, lors de sa première série de mesures de rétorsion, la Chine a évité de frapper les importations qui alimentent ses usines à capitaux étrangers. Cela aide à protéger les fabricants chinois et les investisseurs étrangers de l’impact de la guerre commerciale. Fin juin, Pékin a facilité l’entrée des investisseurs étrangers dans les secteurs de la banque, de l’agriculture, de l’automobile et de l’industrie lourde. Après l’annonce de nouveaux tarifs douaniers fin juillet, la Chine a réaffirmé son intention de « poursuivre l’ouverture de son économie ». Tesla est récemment devenu le premier constructeur automobile étranger en Chine à obtenir l’autorisation d’opérer sans partenaire local, avec un accord pour une usine en propriété exclusive à Shanghai pour produire des véhicules électroniques. Ces mesures envoient un signal fort aux investisseurs que la Chine demeure engagée envers ses partenaires internationaux, même au beau milieu d’une guerre commerciale.
Certes, la Chine continue d’appliquer des politiques qui sapent l’équité dans le système commercial mondial. La Chine, par exemple, n’a pas tenu ses engagements d’ouvrir des secteurs spécifiques à des participations étrangères. Elle continue également de subventionner les industries lourdes qui inondent les marchés d’autres pays, ce qui fait baisser les prix et entraîne des pertes d’emplois. Mais les tarifs imposés par M. Trump ne permettent pas de relever ces défis.
Au lieu de cela, lorsque la prochaine série de tarifs entrera en vigueur, les ménages américains devront faire face à des prix plus élevés pour les ordinateurs, les vêtements et des milliers d’autres produits. C’est la Chine, et non les États-Unis, qui améliorera sa position dans le monde en tant qu’endroit où construire l’avenir.
Mary E. Lovely est professeur d’économie à l’Université de Syracuse et membre du Peterson Institute for International Economics.
Note du traducteur
Pour mieux comprendre le point de vue de cette Mme Lovely, à qui le NYT ouvre ses colonnes, il faut bien regarder la composition du conseil d’administration de ce Peterson Institute. Mieux qu'un long discours.
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