mercredi 20 septembre 2017

Les trois phases de la réaction aux menaces existentielles : action, tromperie et désespoir

Article original de Ugo Bardi, publié le 10 juillet 2017 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr




J’ai toujours été fasciné par la façon dont la conscience des gens contre les menaces collectives devient floue et disparaît à mesure que la menace se rapproche. Regardez, ici, le concept de « Peak Oil » tel qu’il apparaît sur « Google Trends ». Vous voyez comment l’intérêt a diminué à presque rien après avoir été très populaire au début du XXIe siècle.







Nous obtenons des résultats similaires pour le réchauffement climatique :



Il y a beaucoup d’autres exemples, un classique porte sur l’étude de 1972 intitulée Les limites de la croissance, qui a été oubliée au fur et à mesure que la menace décrite est devenue plus proche dans le temps. Donc, si vous pensez à cela, c’est un poil énervant : la terre devient plus chaude et les gens s’en inquiètent moins ? Même chose à propos du pétrole ; plus nous en utilisons, moins il y en a ; comment les gens peuvent-ils s’inquiéter de moins en moins du problème ? Folie, en effet.

Après des prises de tête considérables, j’ai proposé une explication que j’ai décrite dans un article précédent comme « le dilemme du campeur ». C’est un modèle simple composé de deux campeurs essayant d’adopter la meilleure stratégie pour éviter d’être mangés par les ours. Ici, permettez-moi de reproposer le dilemme du campeur sous une forme plus générale que j’appelle ici, « Les trois phases de la réaction aux menaces existentielles » (en fait, quatre phases, mais la « phase 0 » n’est pas importante)

Phase 0Aucun danger perçu  : pas d’action. Le problème n’est pas reconnu, donc rien n’est fait à ce sujet.

Phase 1Faible danger perçu : action collective. La menace est perçue comme existante, mais seuls des ajustements mineurs sont nécessaires pour éviter les dommages. L’accent est mis pour que tout le monde fasse sa part.

Phase 2Risque élevé perçu : tromperie. La menace commence à être perçue (mais pas par tous) comme grave et implique des sacrifices considérables. L’objectif pour ceux qui comprennent la situation, et pour les élites en particulier, est de s’assurer que le fardeau retombe sur les épaules de quelqu’un d’autre. Cela peut impliquer le déni, le floutage et le transfert de culpabilité.

Phase 3Risque très élevé perçu : Action désespérée en urgence. La menace devient si évidente que tout le monde comprend que la société se trouve au bord de la falaise de Sénèque et que même les élites ne survivront pas à l’effondrement. La tromperie est abandonnée alors que des tentatives désespérées de la dernière chance  sont mises en place pour éviter la falaise.

Essayons d’appliquer ces considérations aux menaces actuelles, par exemple le réchauffement climatique. C’est devenu une menace connue dans les années 1970 et, à l’époque, elle ne semblait pas être le problème terrible qu’elle est devenue aujourd’hui. La « phase 1 » impliquait des propositions telles que des fenêtres à double vitrage, des ampoules à faible consommation, des voitures plus petites et autres expédients. Une grande partie du mouvement environnemental mondial vit toujours dans la première phase : ils pensent qu’il suffira d’expliquer aux gens quel est le problème et de convaincre tout le monde de faire de petits sacrifices. Ensuite, le problème sera résolu.

Mais la « phase 2 » est dépassée depuis longtemps et le problème a gagné de la force. L’administration Trump est un exemple clair de la tentative de tromper le public au sujet du réchauffement climatique en faisant taire les médias et par un effort général de floutage et de tromperie. Les élites, à ce stade, semblent croire que la survie est possible pour ceux qui ont l’air conditionné et leurs manoirs sur la colline. Les autres rôtiront ou se noieront, mais, selon les élites, cela réduira les émissions et tout ira bien pour les survivants.

Certaines personnes se sont déjà déplacées à la « phase 3 », avec le concept de « point de basculement » du climat qui pousse la planète dans un état où il n’est pas sûr que quiconque puisse survivre. Ce concept n’a pas encore fait de progrès chez les élites. Mais, une fois qu’elles vont découvrir que la menace est existentielle non seulement pour les pauvres, mais pour tout le monde, elles vont devoir mettre le paquet et lancer une tentative extrême et désespérée pour réparer le système climatique. Attendez-vous à ce que la géo-ingénierie devienne populaire !

En tant qu’exercice, nous pouvons également appliquer le concept de « trois phases » à l’épuisement du pétrole. Ici, nous sommes plus clairement dans la « phase 2 ». Les élites s’engagent à rassembler les ressources pétrolières restantes, tout en niant le problème et en réorientant la colère du public contre des groupes ethniques, politiques et religieux spécifiques. La troisième phase pourrait prendre la forme d’une ruée désespérée vers l’énergie nucléaire.

Je sais que tout cela est un peu cynique (beaucoup), mais ce modèle me semble logique et il nous fournit un modèle de travail pour ce qui se passe et pourquoi. Alors, en supposant que ce soit un bon modèle, que devons-nous faire pour éviter le pire ? C’est ce dont nous devrions discuter. Quelqu’un a-t-il des idées ?

Ugo Bardi

Note du traducteur

Pour Google Trends, il y a certainement aussi des effets de cycle qui vont de paire avec ceux de la population. Les gens qui se posent le plus de questions sont ceux qui en ont le temps, les retraités entre autres. Le sujet a dû être lié à un ensemble d'incitations télévisuelles, des livres, etc.,... qui ont circulé dans les médias ciblant cette population. Quinze ans après, ces gens ont bien vieilli, se sont fait leur idée alors que la nouvelle génération, infantilisée en masse, est tenue à l'écart de ces questions systémiques, plus occupée à compter les morts des multiples attentats ou à faire des selfies.

On peut aussi tabler sur une lassitude car le sujet du Peak Oil n'est toujours pas tranché. Les pétrole de schiste américains semblaient limités, prêts à mourir sous le poids des dettes mais les acteurs sont toujours là. Il n'y a pas et il n'y aura pas de situation claire avant longtemps, sauf rupture, car de nombreux éléments entrent en ligne de compte comme la population, sa capacité à consommer, le chômage, la dette...

Et encore une fois, on peut appliquer ce modèle à autre chose que le réchauffement changement climatique.

3 commentaires:

  1. Bonjour, je ne suis pas d'accord avec le début de votre commentaire (sur les vieux qui ont eu le temps d'apprendre et puis qui vieillissent trop ...) En 1972 j'avais 16 ans et pendant des mois j'ai attendu la sortie du numéro hors série du Nouvel Obs sur le rapport du Club de Rome (travaux de Dennis Meadows et consorts). J'étais donc parfaitement informé à l'époque bien que vivant au fin fond d'un coron dans une cité minière du Pas de Calais. Je rappelle aux jeunes générations qu'à l'époque il n'y avait pas d'internet et que mes parents n'avaient même pas le téléphone. Donc il n'y a d'ignorants que volontaires. Je suis fatigué d'avoir toute ma vie essayé de sensibiliser les gens autour de moi. Et maintenant je suis profondément déçu de l'attitude de mes contemporains jeunes et vieux qui se réfugient dans le narcissisme et le déni, malheureusement pour eux ça ne va plus guère durer.

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    1. Vers où va t on ?20 septembre 2017 à 21:12

      Je parlais du Peak Oil, de la courbe de l'article et des débats autour des années 2000. Pour le sensibilisation, je vous comprends. Les choses n'ont pas beaucoup changé. Seules les difficultés feront évoluer les mentalités.

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  2. Je suis assez d'accord avec cette façon de voir.http://www.inlibroveritas.net/oeuvres/30211/sale-temps-pour-les-faisans#pf12

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