mardi 5 septembre 2017

Qu’est-ce que les gouvernements peuvent nous cacher ?

Article original de Ugo Bardi, publié le 7 juillet 2017 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


Leçons de la Seconde Guerre mondiale
C’est toujours pire qu’il semble
Dans ce post, j’examine l’histoire de la campagne russe, par l’armée italienne, pendant la Seconde Guerre mondiale pour discuter de l’efficacité des gouvernements qui peuvent cacher des faits importants à la connaissance du public. Je pense que ces campagnes de black-out peuvent être très efficaces et qu’il est possible qu’elles soient actives en ce moment.


Les gouvernements ne sont pas reconnus comme des organismes bienveillants. Au contraire, quand il s’agit d’assurer leur propre survie, ils sont impitoyables. Et ils sont bien connus pour mentir à la population. Le cas des « armes de destruction massive » en Irak est bien connu, mais au moins, il est apparu clairement que c’était un mensonge : ces armes n’existaient pas. Mais il est souvent plus facile de cacher les choses existantes que de créer des éléments non existants.

Internet est plein d’affirmations selon lesquelles les gouvernements ou certaines de leurs institutions sont impliqués dans ce genre de mensonges. Ils nous cachent la dispersion de poisons dans le ciel sous la forme de chemtrails, la construction de camps de concentration cachés pour les opposants politiques, le fait que les aliens ont atterri et ont été capturés, le fait que le pétrole est vraiment une ressource renouvelable constamment recréée sous terre par un processus abiotiques, que les scientifiques du climat sont engagés dans un complot mondial pour nous effrayer d’abord et ensuite nous asservir. La dernière concerne les « enfants esclaves de Mars ».
 
Ces affirmations sont habituellement décrites comme des « théories de la conspiration » et la plupart d’entre elles sont si désespérément naïves et absurdes qu’elles soulèvent le soupçon légitime qu’elles font partie d’une campagne ciblée de désinformation. Mais il semble facile de convaincre les gens de croire aux idées les plus étranges, et peut-être que ces légendes témoignent spontanément de cette tendance. Pourtant, il est également vrai que des conspirations existent et que les gouvernements y participent activement (je peux proposer au moins un cas bien documenté). Nous pouvons donc nous poser une question très générale : les gouvernements peuvent-ils occulter des choses importantes à nos yeux ? Permettez-moi d’examiner quelques exemples historiques.

Peut-être que la mère de toutes les conspirations gouvernementales a été l’extermination des juifs et d’autres groupes ethniques et sociaux pendant la Seconde Guerre mondiale. Les Allemands savaient-il ce qui se passait à l’époque ? La question est controversée. D’un côté, on prétend que les Allemands avaient été exposés à des années de propagande anti-juive agressive et qu’ils ne pouvaient pas ne pas savoir que les juifs disparaissaient de leurs maisons. En outre, tant de personnes ont été impliquées dans le programme d’extermination que ce n’est pas possible que même les citoyens ordinaires ne puissent pas comprendre que quelque chose de monstrueux était en cours.

De l’autre côté, on constate que les Allemands ne pouvaient jamais rien lire sur cette extermination dans la presse, seulement que les juifs avaient « déménagé à l’Est », ce qui expliquerait leur disparition des villes allemandes. Mais le point principal était que les Allemands qui comprenaient ce qui se passait ne pouvaient pas le dire publiquement. Les quelques personnes qui l’ont fait ont été arrêtées et exécutées rapidement. Le message était clair pour tous les autres.

Personnellement, je ne peux pas dire beaucoup sur ce que l’Allemand moyen pouvait ou ne pouvait pas connaître pendant la Deuxième Guerre mondiale. Mais je peux donner l’exemple d’une situation que je connais beaucoup mieux : celle de l’Italie. Le gouvernement italien ne s’est pas engagé dans l’extermination massive des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, mais nous pouvons trouver un exemple significatif de « brouillard médiatique » avec la défaite des forces italiennes en Russie entre 1942 et 1943.

L’Italie a engagé quelque 250 000 hommes sur le front de l’Est, un effort majeur qui s’est terminé par une catastrophe lorsque les forces italiennes ont été vaincues de façon décisive par l’Armée rouge dans une série de campagnes qui ont débuté en novembre 1942. En février 1943, les forces italiennes sur le front de l’Est avaient cessé d’exister. Les pertes sont rapportées différemment, mais sont probablement équivalentes à environ la moitié du corps expéditionnaire. C’était probablement la plus grande défaite subie par l’Italie de toute son histoire. La catastrophe a été si grande que nous pourrions la considérer comme suffisante pour accuser le commandant en chef d’incompétence criminelle et le pendre la tête en bas. Cela a en effet été le destin du leader italien, Benito Mussolini, mais seulement deux ans plus tard, en avril 1945, et cet acte criminel spécifique ne semble pas avoir joué un rôle dans l’événement.

Alors, qu’est-ce que les Italiens ont su au sujet de la catastrophe russe alors qu’elle se passait ? D’une part, la nouvelle de la défaite de Russie n’est jamais apparue dans la presse italienne pendant la guerre. Il est instructif de suivre les nouvelles telles qu’elles ont été signalées. Jusqu’en décembre 1942, il y a des rapports quotidiens sur le corps expéditionnaire italien en Russie, l’« ARMIR ». Ensuite, les rapports disparaissent. Le dernier que j’ai pu trouver sur le journal italien La Stampa date du 22 décembre 1942. Après, des rapports continuent à venir de Russie, décrivant les combats entre les Allemands et les Soviétiques, mais les Italiens ont disparu. C’était comme si le quart de million d’hommes de l’armée s’était dissout dans l’air.

Cela ne signifie pas, bien sûr, que les Italiens ne savaient pas au moins quelque chose sur ce qui se passait sur le front russe. Il aurait été facile de comprendre que quelque chose sonnait  terriblement faux, simplement avec ce que la presse ne disait plus, la disparition de toutes mentions sur les forces italiennes en Russie. En outre, il y eu des dizaines de milliers de vétérans qui ont été rapatriés après la défaite : beaucoup étaient malades, blessés, ont souffert de gelures ou sont rentrés dans des conditions désespérées de choc psychologique. Le gouvernement leur a dit de ne rien dire de ce qu’ils avaient vu en Russie, mais il est impensable que tous aient obéi et, en tout cas, leur présence ne pouvait pas être ignorée. Pourtant, le « brouillard médiatique » que le gouvernement a promulgué a été couronné de succès. Les Italiens ont semblé incapables de discuter ou d’exprimer leur indignation contre la catastrophe, du moins aussi longtemps que le gouvernement fasciste a gardé le contrôle du pays.

Quelques années après la fin de la guerre, le désastre en Russie est devenu largement connu.
Une situation similaire existait avec la guerre. Dans les années 1940, l’Italie et l’Allemagne ont toutes deux fait face à ce que nous appelons aujourd’hui une « menace existentielle » sous forme d’anéantissement militaire. Pourtant, leurs citoyens n’ont jamais été informés, jusqu’au dernier moment, que la guerre était perdue. Dans ce cas également, il n’était pas difficile de comprendre ce qui se passait à partir de ce que les journaux ne disaient pas, mais il a semblé impossible de l’exposer en public ou d’en débattre.

Maintenant, il est toujours difficile de généraliser, mais je pense que ces exemples historiques peuvent nous dire quelque chose sur la façon dont les gouvernements peuvent cacher la vérité : simplement en ne la mentionnant pas. En d’autres termes, les gouvernements ne peuvent pas faire disparaître la vérité, mais ils peuvent la « flouter », la marginaliser et la faire apparaître sans importance.

Aujourd’hui, l’entité que nous appelons l’« Occident » fait face à des menaces existentielles sous forme d’épuisement des ressources et de réchauffement climatique. Pourtant, les médias traditionnels sont complètement silencieux quant à l’épuisement des ressources et, du moins aux États-Unis, ils semblent chercher à faire taire la discussion sur le réchauffement climatique. Non pas que les gens ne savent pas ce qui se passe, il y a plein de blogs et de groupes de discussion où vous pouvez apprendre la vérité. Mais elle reste une vérité marginale non officielle qui ne joue aucun rôle dans la discussion générale. La discussion principale reste dominée par des concepts tels que « rendre le pays grand à nouveau » et « redémarrer la croissance », objectifs probablement aussi impossibles à atteindre que de voir l’Italie vaincre l’Union soviétique et les États-Unis ensemble, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ci-dessous, vous pouvez voir les dernières nouvelles sur le journal italien La Stampa qui mentionne l’« ARMIR », la force expéditionnaire italienne en Russie. L’article est daté du 22 décembre 1942 et il affirme seulement que les mesures défensives prises pour contenir les attaques soviétiques réussissent. Je n’ai pu trouver d’autres mentions de l’« ARMIR » dans les derniers entrefilets qui sont parus pendant la guerre. En février 1943, les forces italiennes en Russie avaient cessé d’exister.



Ugo Bardi

Note du traducteur

Ugo Bardi dénonce les complots des États et les manipulations qu'ils utilisent pour les imposer tout en utilisant les mêmes méthodes. On le traduit avec plaisir car il a une vision atypique du monde et il s'interroge avec beaucoup d'intensité et souvent de justesse sur notre devenir. Mais mélanger les aliens et le changement climatique – il manque aussi les Illuminatis... – est pour le moins spécieux de sa part. On peut discuter de la réalité de l'impact de l'homme sur le climat ou pas et il y a des arguments techniques des deux côtés. Mais mélanger ce débat avec les aliens est une grosse ficelle pour décrédibiliser ceux qui se posent des questions légitimes sur l'utilisation du sujet climatique pour des objectifs politiques.

Ugo Bardi est prêt à recourir aux mêmes méthodes qu'il dénonce car son idée sur le changement climatique est faite, et « collaborer » de facto avec ceux-là mêmes qu'il dénonce comme des manipulateurs aux sommets des États ne semble pas lui poser de problème si on parle de climat. Car sur ce point, il a l'impression que ça va dans son sens à lui. Il fait sans doute preuve de naïveté. Après avoir usé la corde, ces élites jetteront ce sujet du climat à la poubelle et iront adorer d'autres vaches sacrées, celles qui vont leur permettre de se maintenir au pouvoir.

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