samedi 9 septembre 2017

Quand le papillon bat des ailes

Article original de James Howard Kunstler, publié le 28 Août 2017 sur le site kunstler.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
 
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Il reste à voir quel sera l’impact si Mère Nature mettait la quatrième ville de la nation hors service. Et pour combien de temps ? Il est possible que Houston ne se remette jamais entièrement de l’ouragan Harvey. L’événement pourrait dépasser les dégâts physiques causés par l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans. Il se peut qu’il fasse faire faillite à de grandes compagnies d’assurance et augmente considérablement le risque de faire des affaires partout dans le Golfe et les côtes atlantiques des États-Unis – ou au moins efface la perception qu’il y a la garantie que les pertes sont récupérables. Il peut même s’agir du cygne noir qui révèle l’hyper-fragilité d’un système financier axé sur les États-Unis.


Houston est également le centre de l’industrie pétrolière américaine. Les bureaux peuvent être déplacés ailleurs, bien sûr, mais pas aussi facilement que les neuf plus grandes raffineries de pétrole qui s’étalent entre Buffalo Bayou et Beaumont, Port Arthur, puis Lake Charles, en Louisiane. Harvey retourne vers le Golfe où il se chargera de plus d’énergie au dessus des eaux chaudes de l’océan avant de retourner à l’intérieur des terres dans la direction de ces raffineries.

Les dommages économiques pourraient être épiques. Une grande partie de l’approvisionnement du système du « Colonial Pipeline » émane de la région autour de Houston, traversant Atlanta puis se ramifiant vers Philadelphie et New York. Il pourrait y avoir des queues dans les stations-service le long de la côte Est début septembre.

L’événement est en train de converger avec celui concernant le gouvernement des États-Unis qui va manquer d’argent cet automne sans pouvoir en emprunter davantage, la capacité d’augmenter le plafond de la dette américaine dépendant d’un vote du Congrès. Peut-être que l’urgence de l’ouragan Harvey et ses conséquences coûteuses vont forcer la main au congrès pour augmenter rapidement le plafond de la dette. Si cela ne se produit pas, et que le plafond de la dette n’est pas levé, le gouvernement fédéral pourra prétendre qu’il ne peut financer une aide d’urgence au Texas et à la Louisiane. Ce prétexte peut encore durer avant que les entreprises travaillant pour le gouvernement ne protestent ou même ne laissent tomber.

En règle générale, le fait de ne pas augmenter le plafond de la dette entraînerait un arrêt du gouvernement, y compris concernant les opérations de remise en état après un ouragan, à moins que le président n’invoque une sorte de pouvoir d’urgence. Ce serait une action décisive, mais cela pourrait aussi être le début de quelque chose qui ressemble à une dictature en bon et due forme. Les pouvoirs réquisitionnés souvent ne sont pas rétrocédés lorsque l’urgence initiale est terminée. Et quel argent le président pourra-t-il utiliser si un nombre assez important de congressistes et de sénateurs sont suffisamment motivés par leur dégoût pour M. Trump pour faire traîner le processus de remise à flot financier du gouvernement ? (Et n’accepte en aucun cas de passer un budget.)

Pendant ce temps, deux autres sources majeures d’aggravation attendent dans l’ombre : l’une est la Corée du Nord. Pourquoi Kim Jong-un n’userait-t-il pas de l’occasion d’un désarroi politique aux États-Unis pour créer plus de maux de tête à un gouvernement américain distrait ? Ne gâchez jamais une crise. Une autre source est le retour des étudiants dans les campus universitaires américains. Imaginez comment les forces Antifa sur les campus vont réagir si M. Trump obtient des pouvoirs d’urgence. Il est facile de prévoir une accélération de la violence entre l’extrême-gauche et l’extrême-droite au cours de ce qui s’annonce comme être une crise majeure de gouvernance. Si les campus gauchistes avaient un cerveau tactique, ils cesseraient de marcher en uniformes noirs et organiseraient plutôt des actions de renoncement massif à leur dette de prêts étudiants.

Avec tous ces conflits politiques, les marchés financiers seront ébranlés. Le message de l’impasse du plafond de la dette sur le marché obligataire serait que les États-Unis ne seraient plus considérés comme fiables et capables de payer leurs dettes. Les taux d’intérêt sur les bonds du Trésor américains devraient augmenter car le concept de risque, perdu de vue depuis longtemps, reviendrait sur la scène du marché des obligations. Les personnes et les institutions ne voudraient plus en détenir à moins que le rendement ne soit réajusté sur le risque réel. Bien sûr, dans le monde mystérieux des obligations (c’est-à-dire de la dette titrisée), le prix des obligations diminue à mesure que les taux d’intérêt augmentent. Cela signifie que beaucoup de détenteurs actuels d’obligations seront plumés s’ils essayent de vendre. La hausse des taux entraînerait également de gros problèmes pour les entreprises et les gouvernements qui doivent verser régulièrement des intérêts aux détenteurs d’obligations. Une hausse des taux de seulement 3% sur les obligations du Trésor américain pourrait mettre le pays en faillite complète.

Comment les marchés boursiers et les marchés des changes peuvent-ils réagir au scénario ci-dessus ? Pour moi, cela ressemblerait à une baisse d’au moins 1 000 points sur le S & P. Le dollar américain pourrait effectivement augmenter initialement car beaucoup de dettes seraient non remboursées – ce qui fait que l’argent disparaitrait réellement – mais vous avez la Réserve fédérale en attente sur l’autre flanc pour déployer sa propre réponse en urgence: un Quantitative Easing No. 4, inondant le système avec de nouveaux tombereaux d’« argent » qui ont toute l’apparence de l’argent mais aucun des attributs de la vraie valeur, ce qui ferait couler le dollar dans la foulée. Comme un sage parmi mes lecteurs me l’a écrit il y a peu : « La financiarisation n’est rien d’autre que de l’argent dont la valeur a été supprimée. » (Graham Reinders.)

Beaucoup de choses peuvent arriver lorsqu’un papillon lointain bat des ailes et met un léger courant d’air en mouvement.

James Howard Kunstler

Liens

Jacques Sapir : L’ouragan Harvey et ses conséquences
 

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