Article original de Andrew Korybko, publié le 29 janvier 2018 sur le site Oriental Review
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
La stratégie de défense nationale des États-Unis met l’accent sur la concurrence entre grandes puissances.
Le résumé non-classifié du document récemment publié décrit trois approches stratégiques dominantes que le Pentagone entend suivre dans les années à venir, à savoir renforcer et élargir son système d’alliance tout en optimisant la létalité militaire et le soutien aux opérations localisées au niveau logistique et des dépenses. Le dicton cliché de construire une « machine à tuer, efficace et rationnelle » est très approprié dans ce contexte, mais alors que c’est techniquement la mission de toutes les armées, l’armée américaine reconceptualise ses objectifs en accord avec le paradigme néo-réaliste des relations internationales et considère que son principal objectif est de maintenir un équilibre du pouvoir qui puisse indéfiniment soutenir son modèle global d’après-guerre froide.
L’ordre mondial dirigé par les États-Unis que l’Amérique a créé et finalement dirigé après 1991 s’affaiblit, et la tendance décentralisatrice de la multipolarité réduit à néant le statu quo centralisateur de l’unipolarité. Les décideurs américains croient que leurs rivaux russes et chinois qui dirigent ce processus ont réussi à maîtriser les « règles du jeu » libérales et sont maintenant suffisament aptes à utiliser les institutions internationales et les accords commerciaux multilatéraux à leur avantage, nécessitant ainsi que les États-Unis redéfinissent les priorités du paradigme néo-réaliste du pouvoir et de leurs intérêts nationaux en réponse. Washington a toujours été engagée dans des machinations machiavéliques du type « diviser pour mieux régner » mais cette fois, elle comprend que ses chances de succès sont minces si elle est contrainte de se battre contre le partenariat stratégique russo-chinois sans aucun soutien.
La politique libyenne de « contrôle dans l’ombre » est redevenue pertinente parce que les États-Unis sont obligés, dans ces circonstances, de s’appuyer davantage sur leurs partenaires régionaux qui ont – ou sont portés à croire qu’ils ont – une participation partagée dans le dénouement de cette nouvelle guerre froide. Parallèlement à cela, l’Administration Trump cherche à donner la priorité au partage du fardeau, en particulier dans les domaines opérationnel et financier, en égalisant la relation des États-Unis avec ses alliés et en les forçant à contribuer équitablement s’ils veulent récolter toutes les « récompenses » des futures joint ventures. En échange de l’approfondissement de leur intégration militaire à grande échelle avec les États-Unis, les partenaires américains peuvent profiter des fruits économiques du Consensus de Washington, à condition toutefois de pouvoir le préserver avec succès face à l’Ordre mondial de la soie mené par la Chine et ne croyez pas que Pékin pourrait leur faire une meilleure offre.
Le passage de l’unipolarité à la multipolarité est clairement précédé d’une période de chaos mondial rendue d’autant plus aiguë par la « volonté de Trump le Kraken » de bousculer l’état des affaires internationales avec l’intention de créer plus d’occasions stratégiques pour les États-Unis aux dépens du système concurrent de ses rivaux russes et chinois. Étant donné que le modèle néo-réaliste est maintenant le moteur de la stratégie militaire américaine, il s’ensuit naturellement que les associés des États-Unis vont se concentrer aussi sur la géopolitique et seront observés par les Américains, ce qui explique pourquoi l’expression « Indo-Pacifique » est répétée presque une douzaine de fois dans le document résumé de 14 pages. Les États-Unis veulent évidemment utiliser l’Inde et une constellation d’autres alliés dans cet espace transocéanique pour « contenir la Chine » suivant le même modèle que celui pratiqué depuis des décennies contre la Russie avec l’OTAN. Le résultat final sera probablement ce que le Pentagone appelle « machine à tuer, efficace et rationnelle » pour s’engager dans plus de « contrôle dans l’ombre » au travers de guerres hybrides contre les intérêts régionaux de ses deux rivaux dans les années à venir.
Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie « Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime » (2015). Ce texte sera inclus dans son prochain livre sur la théorie de la guerre hybride. Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.
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