samedi 17 février 2018

Donald Trump : empereur sage ou condamné à la damnation éternelle ?

Article original de Ugo Bardi, publié le 28 janvier 2017 sur le site CassandraLegacy
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

 

Il y a environ un an, peu avant les élections américaines, j’ai publié un article sur Cassandra’s Legacy où je me demandais à quoi ressembleraient Donald Trump et Hillary Clinton s’ils étaient des empereurs romains. Je pensais que l’Empire romain des Ier et IIe siècles avait beaucoup de problèmes auxquels l’Empire américain est confronté de nos jours : ressources en baisse, coûts excessifs, appareils militaires surdimensionnés et autres. J’en ai conclu que Hillary Clinton aurait pu ressembler à l’empereur Trajan, qui s’est embarqué dans une tentative militaire difficile pour étendre son empire qui, finalement, s’est soldée par une défaite. Trump, au contraire, aurait pu ressembler à l’empereur Hadrien, successeur de Trajan, qui a pris le chemin inverse : arrêter toutes les guerres d’expansion et consolider l’Empire à l’intérieur de ses frontières.



Un an après l’élection de Trump, il semble que mon interprétation soit correcte. Trump fait plus ou moins ce que Hadrien a fait 2 000 ans avant lui. Outre le fait qu’il ne s’est pas engagé dans de nouvelles guerres, le plan financier de Trump a un objectif très transparent, celui de découpler les États-Unis du système économique mondialisé. (Une discussion intéressante sur ce point est fournie par Dr. D. sur The Automatic Earth). Cela peut ne pas être si évident en écoutant ce que dit Trump, mais ses insultes, ses menaces et son comportement scandaleux sont principalement du bruit qui masque la direction dans laquelle l’administration Trump essaie de bouger. C’est comme piloter un paquebot transatlantique, il y a une certaine inertie.

En bref, Trump est engagé dans l’inversion du grand plan que les néocons avaient conçu dans les années 1990, après la chute de l’Union soviétique. À l’époque, l’idée d’un empire mondial dirigé par les États-Unis semblait possible et le plan a été explicitement exposé dans le « Projet pour un nouveau siècle américain » publié en 1996. Il incluait des détails tels qu’un « nouveau Pearl Harbor » nécessaire comme justification à la propagande pour cette entreprise. Cela a semblé fonctionner, pendant un moment, mais le plan s’est bientôt enlisé. C’était  trop cher.

Les Romains ont abandonné l’idée d’un empire mondial à un moment donné au cours du IIe siècle après JC. Les Américains modernes ne l’ont peut-être pas complètement abandonnée et, si Trump prend ce rôle d’Hadrien, l’avenir pourrait porter au pouvoir à Washington de nouveaux équivalents de Trajan. Mais cela changerait peu. Tous les empires traversent le même cycle de croissance et de déclin – c’est la dure loi de la falaise de Sénèque. Même Hadrien, aussi sage qu’il était censé l’être, ne pouvait sauver l’Empire romain. Au mieux, il a réussi à le garder en vie un peu plus longtemps.

Donc devrait-on penser à Trump comme à un sage empereur ? Dans un certain sens, oui, mais nous ne pouvons pas oublier sa responsabilité de retarder les tentatives de dernière minute pour arrêter la catastrophe climatique en cours. Ainsi, à l’avenir (s’il en existe un pour l’humanité), Trump pourrait plutôt être soumis au rituel appelé « damnatio memoriae » que les Romains ont réservé aux mauvais empereurs après leur mort. Ce fut le cas de l’empereur Néron, qui aurait brûlé la ville de Rome. Trump pourrait être accusé d’avoir fait bien pire.

Ugo Bardi

Ugo Bardi est professeur de chimie physique à l’Université de Florence, en Italie. Ses intérêts de recherche englobent l’épuisement des ressources, la modélisation de la dynamique des systèmes, la science du climat et les énergies renouvelables. Il est membre du comité scientifique de l’ASPO (Association pour l’étude du pic pétrolier) et des blogs en anglais sur ces sujets à Cassandra’s Legacy. Il est l’auteur du « rapport du Club de Rome, Extrait : Comment la quête de la richesse minière mondiale pille la planète » (Chelsea Green, 2014) et « Les limites de la croissance revisitée » (Springer, 2011), parmi de nombreuses autres publications savantes.

Note du traducteur

Est-ce un tournant ? Le fait que cette vision d'un Trump qui communique A mais agit réellement an faisant B, arrive à être conceptualisé dans l'esprit d'un Ugo Bardi et qu'il l'écrive, est sans doute significatif d'un changement de paradigme et l'acceptation de la fin du projet globaliste, du moins le début de sa fin. Il est amusant de voir l'auteur continuer à s'accrocher à son mantra climatique alors que la fin de la globalisation est le meilleur signe de résolution de ce qu'il considère comme le problème N°1.

Ugo, encore un effort !

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