Article original de Brandon Smith, publié le 24 Janvier 2017 sur le site alt-market.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr
Ce qui était étrange devient encore plus étrange
Alors que les grands médias et le public en général tendent à
penser que chaque nouvelle journée nous rapproche d’un avenir meilleur,
de nombreux analystes alternatifs se concentrent sur l’étrangeté
sous-jacente de notre monde et tous les facteurs de crise auxquels les
gens ordinaires ne veulent pas penser. Je dois dire, à mon avis, que
cette « bizarrerie » s’est intensifiée assez rapidement ces
derniers temps, et je ne pense pas que beaucoup d’analystes, qu’ils
soient alternatifs ou ordinaires, en apprécient les conséquences
potentielles.
Le problème le plus important a toujours été l’économie
mondiale. Presque tous les secteurs de notre système reposent sur des
bulles financières massives gonflées par l’impression de monnaie
fiduciaire par la banque centrale et les taux d’intérêt artificiellement
bas. Une seule question doit vraiment être posée : Combien de temps
avant un choc géopolitique ou économique pour mettre par terre le
château de cartes ?
La philosophie dominante semble être que l’économie est maintenant
imperméable à de tels événements. Comme le soutiennent souvent les
médias, les marchés boursiers, en particulier, ne semblent pas se
préoccuper des menaces internationales. Je dirais que c’est parce que
rien de substantiel n’est encore arrivé. Nous avons eu une accumulation
constante de tensions politiques nationales et mondiales, mais les
marchés ont jusqu’ici navigué dans un monde confortablement prévisible.
C’est un monde dangereux avec de nombreux pièges potentiels, mais
toujours prévisible.
Et c’est la position très étrange dans laquelle nous nous trouvons.
Un système qui devient de plus en plus instable d’année en année, et une
société qui s’est développée par ignorance. Pour réveiller les gens
face aux menaces à venir, il faudrait une surprise, une gifle au visage,
quelque chose d’absolument inattendu. Voici quelques poudrières en
développement dans le monde d’où pourrait surgir un tel choc.
Le plafond de la dette américaine et la bataille du blocage du gouvernement
Je pense que beaucoup de gens ratent les points importants sur la
situation de blocage du gouvernement. D’abord, considérez ceci : chaque
nouvel accord pour maintenir le financement du gouvernement fédéral
offre un palliatif plus court que le dernier. Le dernier accord n’assure
le financement que trois semaines de plus, puis le même conflit sur le
budget et les initiatives de dépenses va se répéter. Il n’est pas
exagéré de s’attendre à ce qu’un jour, bientôt, nous fassions face à des
batailles de financement hebdomadaires ou bihebdomadaires à Washington,
alors que le problème plus profond posé par le plafond de la dette
américaine est généralement ignoré.
Voyez-vous, la « lutte » au sein du gouvernement fédéral n’est pas tellement de savoir si plus de dette ne serait pas une « mauvaise chose ».
En fait, les deux côtés soutiennent l’augmentation de la dette et de la
taille du gouvernement. Au lieu de cela, la lutte se focalise sur
l’allocation des fonds (dette) pour certains projets en écartant les
autres. Qui reçoit l’argent ? Et comment un blocage du gouvernement
peut-il être utilisé comme levier pour prendre le dessus politiquement ?
Une chose est sûre, ce n’est que du théâtre. Il n’y a pas de « côté »
dans ce débat à Washington, et il n’y a pas de bataille. Tout cela vise
à conditionner le public américain à croire que les deux partis sont
séparés et opposés lorsqu’ils ne le sont pas. Au-delà de cela, la
bataille sur le blocage accroit également un certain facteur de stress
pour l’économie dont beaucoup de gens n’ont pas conscience.
Parmi les analystes alternatifs, le cynisme sévit sur ce blocage du gouvernement. « Qui s’en soucie ? ». Beaucoup d’entre eux disent : « Laissez faire ! ».
Mais il y a quelques soucis ici, principalement le souci de la pleine
confiance sur les capacités d’émission de la dette des États-Unis.
Même si je suis tout à fait d’accord avec l’idée que le gouvernement
fédéral se dirige vers un mur, je ne pense pas que beaucoup d’analystes
envisagent les contreparties nécessaires lorsque le système va se
réinitialiser. Par exemple, pendant que le Trésor américain est censé
rester fonctionnel pendant un blocage du gouvernement et le restera
certainement pendant les interruptions et les débats sur le financement,
ce conflit interne, bien que de nature théâtrale, peut aussi produire
un manque de confiance dans les bons du Trésor et le dollar au niveau
international. Et franchement, la foi est tout ce qui reste à notre
économie pour tenir debout.
Si la bataille du financement se poursuit avec des interruptions de
plus en plus fréquentes ou avec une longue période de blocage du
gouvernement, il est possible que les principaux investisseurs étrangers
dans la dette américaine et le dollar commencent à se débarrasser de
leurs avoirs. Quand cela se fera, discrètement, les acteurs nieront
cette réalité. Si la Chine, par exemple, commence à se découpler de la
dette américaine, nous ne le saurons pas avant qu’il soit trop tard. Les
Chinois chercheront à être les premiers à se débarrasser de leurs
avoirs afin d’éviter une grande course vers la sortie à l’échelle
mondiale. Ils voudront être les premiers à vendre, pas les derniers.
Encore une fois, si cette lutte pour le financement du gouvernement
continue à devenir plus agressive et plus absurde, nous finirons par
voir un largage de la dette américaine par les acteurs internationaux et
dans la foulée, une crise sans précédent. Que ce « besoin » se
produise ou non, ce n’est pas ce dont je discute ici, mais seulement
que lorsque cela se produira, il y aura des conséquences pour nous tous
et qu’il est essentiel de s’y préparer.
La Syrie est de retour au premier plan
Donc, si vous pensiez que la situation syrienne ne pouvait pas être
plus étrange, la semaine dernière aura peut-être été une surprise.
Le dernier développement majeur a été l’ordre de Vladimir Poutine de
retirer un grand pourcentage des troupes russes stationnant dans la
région, laissant le gouvernement Assad particulièrement vulnérable. Ce
mouvement ne m’a pas surpris du tout. En fait, j’ai prédit que la Russie
se retirerait de Syrie dans des interviews l’année dernière. J’ai
également écrit sur les problèmes que cela pourrait causer dans mon
article « Un examen des événements les plus perturbants de 2017 ».
Un de ces problèmes serait que Poutine laisse la porte grande ouverte à
une force étrangère pour envahir la Syrie, y attirant d’autres pays
comme l’Iran ou le Liban dans cette lutte et décuplant la guerre.
Ce qui m’a surpris, cependant, c’est le lancement effronté de forces
dans la région par la Turquie en particulier. Erdogan harcèle les tribus
kurdes en Syrie depuis un certain temps, mais les dernières opérations
sont quelque chose de tout à fait nouveau. Gardez à l’esprit que la
Turquie est toujours techniquement un membre de l’OTAN et un allié des
États-Unis, malgré la rhétorique anti-OTAN d’Erdogan et les menaces de
quitter le pacte de défense multi-nations. Gardez également à l’esprit
que le gouvernement américain apporte un soutien financier et monétaire
aux Kurdes. Donc, pour clarifier, un allié américain ignore la situation
tendue en Syrie et la possibilité de déclencher une guerre régionale
plus vaste pour chasser et détruire un autre allié américain, alors que
l’Arabie saoudite, l’Iran, Israël, le Liban, la Russie, etc. s’agitent
en périphérie en attendant de sauter dans la mêlée.
Ce n’est pas une recette pour un discours diplomatique. C’est une
recette pour le désastre. La Syrie mènera-t-elle à la troisième guerre
mondiale, comme le suggèrent certaines personnes ? Probablement pas de
la façon dont la plupart d’entre eux l’imaginent. La guerre prend de
nombreuses formes, y compris des conflits sporadiques région par région,
ainsi que des conflits économiques. Une guerre nucléaire mondiale est
peu probable étant donné qu’un tel événement vaporiserait virtuellement
des décennies d’investissement de l’establishment élitiste dans les
réseaux de contrôle du monde entier. Mais des combats régionaux
constants et des catastrophes financières ? C’est une stratégie qui leur
profite grandement.
La Corée du Nord et la cible olympique
Tout d’abord, permettez-moi de dire que le fait même que la Corée du
Sud et le Comité olympique se sentent obligés de continuer les jeux dans
la région en cette période de tensions accrues est extrêmement étrange
pour moi. L’idée simple serait que les jeux vont « guérir » les divisions dans la péninsule coréenne. Je n’en suis pas si sûr…
Récemment, j’ai écrit sur le scénario de la guerre en Corée du Nord
et l’éventuelle attaque sous faux drapeau pendant les Jeux olympiques
dans mon article « Les Jeux Olympiques en Corée du Sud – Une opportunité parfaite pour une attaque sous faux drapeau ».
J’ajouterais à mon analyse un autre développement intéressant ; la
réponse négative des Sud-Coréens à la participation du Nord aux Jeux
Olympiques.
Je dois toujours rappeler aux gens qu’une guerre en Corée du Nord
serait l’événement déclencheur le plus efficace pour cacher le
ralentissement économique et organiser une distraction mondiale, bien
que certains sceptiques semblent penser que la situation ne va nulle
part. Pourtant, tous les éléments sont maintenant présents, y compris un
éventail de forces navales prêtes pour une réponse militaire,
l’escalade technologique des missiles de la Corée du Nord pour inclure
des ICBM capables de frapper le continent américain, la rhétorique de
guerre qui croît des deux côtés, le Département de la Défense étant le
plus agressif, et maintenant même des citoyens sud-coréens semblent
renoncer à la diplomatie car ils brûlent des photos de Kim Jong-un lors de processions olympiques et exigent un arrêt de la coopération avec le Nord pendant les jeux.
Il s’agit d’une rupture assez nette par rapport au discours dominant
aux États-Unis, qui nous indique que les Sud-Coréens cherchent des
relations généralement passives et diplomatiques avec le Nord, et que
l’implication américaine est universellement indésirable. C’est-à-dire
que le désir de conflit ne se limite pas aux faucons américains et aux « fanatiques » nord-coréens, mais aussi qu’une grande partie de la population sud-coréenne semble préférer des solutions moins que pacifiques.
Ajoutez à cela les dernières allégations de la CIA selon lesquelles
la technologie des armes nucléaires de la Corée du Nord serait une
menace pour les États-Unis d’ici à quelques mois, et les nouvelles que
les armées nord-coréennes confisquent les stocks alimentaires
aux citoyens à un rythme plus élevé que d’habitude. Quiconque a un peu
de bon sens peut voir ce qui se développe ici. Le directeur de la CIA,
Mike Pompeo, a affirmé que l’administration Trump agira pour empêcher la Corée du Nord de développer un arsenal d’ICBM capables de frapper les États-Unis.
Je l’ai déjà dit et je le répète : ça va finir en guerre. Il n’y a pas moyen d’y couper.
Le dollar américain poursuit son déclin rapide
J’ai écrit sur ce développement intéressant il y a quelques semaines dans mon article « L’étrange chute du dollar. Qu’est-ce que cela signifie pour l’or ? »
et jusqu’à présent, il semble que la spirale baissière du dollar se
poursuit, alors qu’il chute maintenant à une vitesse inconnue depuis
2003.
Cette tendance est très étrange pour un certain nombre de raisons –
le plus important étant le fait que le dollar-index ignore la politique
de la Réserve fédérale pour relever les taux d’intérêt et réduire son
bilan. Dans des conditions économiques normales, cela devrait déclencher
une hausse du dollar et non un effondrement du dollar. Je prédis que la
Fed, sous le « nouveau leadership » de Jerome Powell,
poursuivra des mesures de resserrement budgétaire très agressives en
2018, y compris une hausse des taux d’intérêt au nom de la baisse du
dollar.
Si cela se produit, la folle bulle du marché boursier maintenant
totalement sous stéroïde va sentir le coup bas passer. Cependant, un tel
mouvement peut ne pas arrêter la baisse du dollar. Cela pourrait être
la première étape de la crise stagflationniste contre laquelle de
nombreux analystes nous mettent en garde depuis des années.
Grandir en prenant l’habitude de l’étrange
Je pense que si vous demandiez à la plupart des gens s’ils auraient
cru que les développements d’aujourd’hui étaient possibles il y a cinq
ou dix ans, ils auraient dit non. Le danger est que lorsqu’une société
s’habitue trop à l’instabilité et au conflit, elle devient complaisante
en termes de sécurité et de liberté. Elle pourrait même ne pas le
remarquer jusqu’à ce qu’il soit trop tard et que ces deux nécessités
aient volé trop loin d’elle.
Cette grande gifle mondiale dans le visage arrive, ne vous y trompez
pas, mais la question est : pouvons-nous préparer suffisamment de gens
pour cela et à temps pour faire une différence au niveau du résultat ?
L’analyse de cette question est souvent comparée à celle d’une « catastrophe »
mais en réalité, c’est un acte d’optimisme. Moi et beaucoup d’autres
analystes partons de l’hypothèse que nous pouvons faire pencher la
balance en informant le public et en créant un bouclier contre les
calamités. Peut-être que c’est une supposition stupide, peut-être pas.
Nous verrons en temps voulu.
Brandon Smith
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